En lisant le journal du Gier…
«Grandes Fêtes Patronales et Fête des Moissons.
- Notes historiques -
Aux habitants de Châteauneuf, la Madeleine, Saint-Jean, Saint-Joseph, Saint-Maurice, Tartaras, Trêves, Longes, etc. : Dimanche 26 juillet, l'antique église de Châteauneuf, annexe de celle de Saint-Jean, célèbre en même temps, comme le veut la liturgie, la fête de Saint Christophe, son patron, qui est de 1ère classe, et celle de Saint Jacques, qui est de 2ème classe. La solennité comporte une messe solennelle à 8 h. 30 et des vêpres solennelles, en plein air quand le temps le permet, à 17 h. 30. Diverses bénédictions accompagnent ces deux cérémonies et demandent quelques mots d'histoire et d'explication.La Saint-Jacques amène avec elle, dans toutes les paroisses rurales, la bénédiction des fruits nouveaux et des épis ; c'est, à Châteauneuf, la Fête des Moissons. L'église est décorée avec des épis et tous les assistants, le matin et le soir, portent à la boutonnière ou au corsage, trois épis symboliques et, à la main, un bouquet d’épis. C’est la ‘Croix de blé’ qu’a chantée un de nos poètes et que les agriculteurs fixent à la porte de leurs maisons, de leur grenier à blé. Il y a, comme de coutume, la distribution du pain bénit, offert à tour de rôle par quelque famille notable. Mais, au pied de la colline de Châteauneuf, coule le Gier qui reçoit son affluent, le Bosançon. De l'autre côté du Gier existait, depuis le XIIIe siècle, la vieille Chapelle des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, gîte d'étape, avec cimetière, et dédiée à Sainte Madeleine et à Saint Jacques. Elle s'ouvrait directement sur le Bosançon dont le lit, comme celui du Gier, servait de route à l'époque des basses eaux. Mais, à l'époque où ces rivières n’étaient pas guéables, un passeur faisait le service de liaison entre les deux chapelles, d'où le patronage de Saint Christophe donné, dès l'origine, à la Chapelle de Châteauneuf.
Les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, possessionnés dans les environs de Rive-de-Gier, assuraient la protection des routes, jusqu'à Feurs (la route de Vienne à Feurs passait par Dargoire) et jusqu'à Chazelles, leur résidence. La maison hospitalière de la Madeleine, près de la chapelle, appartient maintenant à la famille de Joseph Mouton. La cuisine antique est entièrement conservée et le portail porte le vieux blason : c'est l'explication de la bénédiction des routes de ce carrefour qui se fait le soir du haut de la colline et qui vient, à notre époque moderne, compléter la bénédiction des autos, faite à Saint-Jean.
Châteauneuf est depuis longtemps un lieu de pèlerinage pour demander la pluie. Des paroisses entières comme St-Martin-la-Plaine, St-Maurice-sur-Dargoire, St-Didier-sous-Riverie y viennent en procession et leurs prêtres y célèbrent la messe. Avant la Révolution existait une curieuse cérémonie. La procession ‘pour demander la pluie’ allait de la Chapelle de Châteauneuf à celle de la Madeleine et traversait deux fois le Gier guéable ; on portait l’antique statue de Saint Christophe sur un brancard et, au passage du Gier, on la déposait au milieu de la rivière, dans le peu d’eau qui restait, pendant que prêtres et fidèles faisaient les prières liturgiques.
Cette antique statue en bois fut cachée pendant la Révolution et on ne ‘trempa’ plus Saint Christophe dans le Gier. Rendue au culte par un fils de celui qui l’avait cachée et gardée, habitant Trêves en 1870, elle fut installée dans l’église de cette paroisse qui ne put réussir, malgré tous les efforts de l’abbé Chavanne, curé de Trêves à cette époque, à détourner le culte de Saint Christophe de Châteauneuf.
Ces quelques notes seront sans doute agréables aux nombreux pèlerins qui, pendant les jours de la foire de la Madeleine et dimanche prochain, graviront la colline et prendront part à nos belles cérémonies. »
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« Bénédiction annuelle des automobiles à Saint-Jean.
La fête de Saint Christophe, patron de notre église de Châteauneuf et second patron de notre église de Saint-Jean, est l’occasion chaque année, depuis 9 ans, le dimanche de la Solennité, soit dimanche prochain 26 juillet, d’une double bénédiction solennelle, place St Jean sur le côté sud de la route de Lyon, des automobiles, cycles et tous véhicules : chars à bancs, voitures d’enfants, même le tramway. C’est chaque année un spectacle intéressant, et chaque année quelques journaux en donnent la photographie.Il y a deux cérémonies semblables : la première à 6 heures précises, précédée d’une messe à 5h.15 : la deuxième à 10 heures précises, précédée d’une grand’messe à 9 heures pour les automobilistes et voyageurs et suivie d’une messe à 10h.15.
Les voitures se rangent sur la vaste place ; après la bénédiction collective, toutes les voitures font le tour de la place pour défiler devant le clergé qui bénit les voyageurs. ».
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En franchissant le Gier sous Châteauneuf…
Nous reviendrons, au fil de prochains chapitres, sur ce qu’il convient d’appeler la Maison des Hospitaliers, surplombant le quartier de la Madeleine, mais aussi les différents gués de ce secteur, et enfin le lieudit ‘la Pomme’ ainsi que ‘le pont de la Pomme’ du quartier St Jean de Rive-de-Gier. Certes, on pourrait nous répliquer que ces thèmes sont hors le périmètre du Pilat puisque précisément dans la vallée du Gier. Cependant, nous maintenons ces choix en raison du fait que ce sont des endroits qui avaient un rôle dans le franchissement du Gier et l’accès aux voies et chemins utilisés pour accéder au Pilat. Ensuite, évidemment, nous reviendrons en détails sur le site de Châteauneuf, son passé, son rôle, ses ‘curiosités’, ses maîtres avant les de Roussillon, ainsi que Guillaume et Béatrix, fondatrice de la chartreuse de Ste Croix en Jarez.
Nous nous contentons cette fois d’aborder les quelques éléments concernant le franchissement du Gier vers l’antique chemin, disparu depuis 1750, qui conduisait à Trèves et, de là, à proximité du fameux arsenal de Béatrix qui intrigue tant de chercheurs incapables de le situer.
Ce vieil accès, par endroit établi en véritable ‘chemin creux’, était le seul permettant de rejoindre, jusqu’au 12e siècle notamment, deux mines de fer. C’est une de ces deux exploitations qui aurait pu être encore en activité au moins jusqu’en 1395 par les chartreux, comme en fait mention un acte de Ste Croix à cette date. Il semble cependant que le rendement ait été en s’affaiblissant alors que la demande de métal allait en augmentant de façon significative.
La Pierre Flage et une borne …
Pour l’instant, nous dirons que les franchissements du Gier devaient être strictement délimités et contrôlés depuis le Moyen-Âge puisqu’un habitant du hameau de ‘la Fléchette’ détient encore une ‘borne à chaîne’ fermant l’un de ces passages de rivière. Certes, on pouvait douter que ce genre de témoin, pas vraiment unique, provienne du secteur de Châteauneuf et de ces traversées du Gier. Cependant, nous avons la chance que soit restées, bien qu’un peu effacées par le temps, quelques gravures sur trois faces de la borne à chaîne. On y voit, sur un des côtés, l’obscur blason simplifié de Cenna. Sur un autre pan se dessine ce qui pourrait être une patte d’oie ou une sorte de trident. N’oublions pas, à ce propos, cette mystérieuse gravure, au fond du puits souterrain de Châteauneuf, représentant trois symboliques épis de blé. Si à ceci nous ajoutons la fête (sans doute antique et païenne) du blé, célébrée au pied de Châteauneuf pour la St Jacques, nous pourrions trouver ici matière à réflexion et… ‘du grain à moudre’ ! Enfin, sur la dernière, un lourd anneau de fer est encastré dans un visage d’animal, en relief, surmontant une mince croix pratiquement pattée. Sous cet ensemble se lisent des lettres et chiffres pouvant être :
+
+O+
ME FICT
FEYR CARDET
+
+CRISTO+
AS 1587 ST
*
+O+
ME FICT
FEYR CARDET
+
+CRISTO+
AS 1587 ST
*
Dès obtenue l’autorisation du propriétaire - dont le père en avait déjà fait communication au père Granjean - d’en produire des photos, nous donnerons une étude complète de cette borne ainsi que l’endroit précis où elle fut récupérée. Il y avait encore en 1957, près de ce lieu, les vestiges dévastés d’une sorte d’ancien oratoire funéraire (acte mars 1957 G. NATAULET -exploit déplacement-).
Béatrix et le triptyque…
Mais ceci est pour nous l’occasion, maintenant, de revenir sur Châteauneuf et sa dame la plus connue : Béatrix de Roussillon. Un premier chapitre, relatant en détails la légende de la fondation de Ste Croix, lui est consacré sur notre site Société Périllos. Aussi, nous nous contenterons de présenter une statue triptyque, peu citée jusque là, dont la rareté -cinq seulement pour cette région- mérite d’être soulignée, en plus du fait qu’il y ait de solides chances pour qu’il s’agisse probablement de la plus ancienne. Béatrix, selon la tradition, en aurait fait don au moment de prendre le voile des veuves… ce dernier et la statue auraient été bénits simultanément le 20 janvier 1278 par son beau frère, archevêque de Lyon.On y voit Sainte Anne, tenant dans sa main gauche un livre fermé et portant la vierge Marie couronnée sur ses genoux. Cette dernière tient à son tour, également sur ses genoux, l’enfant jésus présentant un petit globe dans sa main gauche. On dit encore que Béatrix aurait voulu que les traits de son visage soit ceux de Sainte Anne, et que le vêtement de la sainte soit la fidèle reproduction de celui des dames de son époque et de cette contrée. C’est dire l’importance de cette représentation des plus rares.
Quant aux chevelures des personnages, on voit Ste Anne voilée entièrement y compris avec la ‘mentonnière’. La Vierge Marie est coiffée d’une couronne à six fleurs de lys. L’enfant a, semble t’il, les cheveux libres, longs et ondulés.
Le livre que tient Anne est non seulement fermé mais également clos par une ferrure…
En retournant la statue (avec d’immenses précautions et un profond respect !), on constate que la sculpture a été faite dans une seule pièce de bois et on trouve deux étiquettes collées : l’une, rectangulaire, est quasiment illisible ; celle d’en haut, ronde, porte le nombre ‘77’… qui est, sans doute, son identifiant dans le ‘classement’ du ‘musée’ de Fourvière.
Béatrix, après son retour des réserves du musée, prit place sur la cheminée de la salle des délibérations de l’ancienne mairie de Châteauneuf. Puis elle fut reléguée… dans un placard. Enfin, maintenant, elle préside, sur une cheminée de marbre noir, aux mariages, dans la superbe salle prévue à cet effet. Les nouveaux mariés ont-ils un regard pour cette dame fondatrice de la chartreuse de Ste Croix (du moins dans son seul aspect visible et extérieur !!!) ? Nous l’espérons… En attendant, elle repose, énigmatique et hautaine, en compagnie d’un imposant buste d’une Marianne ‘phrygiennement’ républicaine et de la statue de St Etienne. Ce dernier, ayant encore toute sa polychromie, porte les cailloux de son martyre (il fut lapidé) dans le pli de son manteau au-dessous duquel se cache sa main gauche. Une autre pierre sur sa tête suggère le supplice. Le personnage tient dans sa main droite, anormalement grande, un livre, aussi fermé.
Décidément, la statuaire de Châteauneuf ne laisse guère deviner le contenu de son savoir tenu fermé aux visiteurs.
Les merveilleuses réserves du musée de Fourvière…
L’écrit de l’abbé Garlatti et le beau fruit
C’est précisément l’abbé Joseph-Marie Garlatti qui informa un prêtre du secteur proche de Rive-de-Gier de l’existence de la statue triptyque. Ce dernier confia l’information au père Granjean… au moment où il sut que celle-ci était à la veille (ou presque) d’être évacuée à destination d’horizons étrangers ensoleillés, où elle était destinée à une autre vénération plus… élevée ! Il est possible, selon cette source écrite provenant d’une cure de la vallée du Gier, que les ‘réserves du musée’ aient ‘échangé’ la statue de Béatrix contre le fait que le ‘reste’ ne soit jamais réclamé ! Il semblerait que la transaction ait bel et bien eu lieu… Nous disposons, heureusement, de la liste exhaustive du fameux ‘reste’ et il est bien possible qu’une partie d’une certaine affaire ‘Ste Croix’ puisse être éclairée sous un jour nouveau, difficilement contestable par les autorités et quelques habituels grincheux de service. Ces éléments très surprenants seront divulgués, le moment venu, dans une présentation de vulgarisation mise à la portée de tous, ainsi que sur nos sites. Pour ceux qui pourraient, innocemment, accéder à la statue et la retourner, ils devraient retrouver au dos son étiquetage dans les fameuses ‘réserves’ oubliées… On s’apercevrait, alors, qu’il est peu probable que l’image triptyque de Béatrix, Marie et Jésus, ait séjourné longuement, afin de discrétion, sous un tas de fumier comme le murmure la tradition populaire, avant de ressurgir à l’issue des ‘tenaces’ recherches du père Granjean… Il serait alors amusant de savoir à quel Ordre appartenait l’excellent abbé Joseph-Marie Garlatti… le seul à qui, en fin de comptes, nous devons ce retour prodigieux.
St Anne, Arques
Il reste à dire que cette œuvre du XIIIe siècle est encore polychrome, certes aux couleurs fatiguées et écaillées, au moment de son exil forcé… loin de sa chapelle natale. Curieusement, elle ressortira ‘couleur bois’ des oubliettes de Fourvière. Ensuite, il y eut, nous dit-on, une restauration qui a effacé toutes traces de polychromie, comme on le constate aujourd’hui. Ce n’est pas vraiment grave car nous pourrons, depuis nos informations, reconstituer, depuis un montage photographique, sa véritable coloration et ses écrits.Il reste une dernière chose à ajouter concernant cette émouvante statue… ce sera de savoir dans quelle essence de bois elle fut sculptée. Sans doute, ceux qui suivent de près nos recherches auront-ils compris que Béatrix fut taillée dans du… poirier. « On voit un bon arbre à ses fruits… » dit le proverbe.
A propos de poirier et donc de… poires, nous ajoutons qu’il existe une autre, très ancienne, statue triptyque devant retenir tout notre intérêt dans l’affaire qui nous préoccupe. En effet, le visiteur attentif admirera une représentation triptyque similaire dans l’Aude, à Arques ! L’œuvre se trouve dans une chapelle latérale solidement sécurisée, en compagnie d’un grand tableau que nous intitulons, librement, ‘le petit Jésus à la poire’… Là aussi, nous voyons Ste Anne tenir sur ses genoux la Vierge Marie portant l’enfant Jésus. Précisément, nous retiendrons que les familles de Lupé (dans le Pilat) et celles d’Arques eurent des alliances pour le moins insolites… Il est donc tout naturel, en raison de nos recherches, que notre attention se tourne vers le savoir fermé d’une autre famille profondément impliquée dans une énigme phénoménale… les de Périllos (consulter sur le sujet le site SP) dont le blason s’orne précisément de trois poires !
André Douzet
Nous remercions le personnel de la mairie de Châteauneuf pour son amabilité, ainsi que Jérôme Fertier pour les anciens articles de journaux qu’il nous a transmis.
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