dimanche 28 août 2011

Béatrix dame de Châteauneuf

‘Nihil Obstat’ et ‘imprimatur’ pour le passé
Nous poursuivons la présentation de différents documents anciens écrits par des auteurs locaux à propos des régions du Pilat ou de ce dernier lui-même.
Cette fois, notre choix se porte sur un fascicule publié en 1912 aux imprimeries BRUYERE FRERES à Rive-de-Gier. Il a pour titre ‘BEATRIX Dame de Châteauneuf’. Un tel ouvrage, ou du moins une fraction seulement, ne pouvait que trouver sa place sur cette colonne. Certes, on peut y trouver une connotation quelque peu religieuse, accentuée encore par la formule ‘Nihil Obstat’ du chanoine Aubonnet, Supérieur de l’Ecole de Théologie de Francheville… ainsi que l’Imprimatur en date du 22 août 1911 de Mgr Louis Jean, évêque d’Hiérapolis.
Ouvrage nostalgique dont la portée historique est en fait un résumé qui peut suffire largement pour une recherche sommaire. Une cinquantaine de pages de 16X25 cm se répartit en 5 petits chapitres : Béatrix et sa grande œuvre - L’œuvre de Béatrix sous les coups de la Révolution - Une consécration des souvenirs - Réflexions d’un promeneur, et enfin : Notes sur le patois de Châteauneuf. L’introduction de l’ouvrage est signée Eugène Chipier, personnage bien connu à Rive-de-Gier, dont le nom fut donné à la première place de cette ville. Cependant, ce livre n’étant pas signé, rien ne prouve que ce soit E. Chipier qui en soit l’auteur. Notons que le chapitre final sur l’ancestral parler de ce secteur mériterait l’attention de ceux, celles, souhaitant conserver, ou pratiquer, cette langue qui fut celle des anciens du pays. Nous ne confondrons pas ce bref lexique local avec le ‘vocabulaire de Rive-de-Gier’ qui fait l’objet d’un volume entier.
Bref descriptif historique et topographique
On trouvera une description du château rejoignant les indications d’A. Vacher vues précédemment… Il en sera ainsi des possessions dont cette place était partie intégrante ou seigneurie principale selon les âges. Une brève analyse du nom de Rive-de-Gier et de ses premiers aménagements nous montre l’importance stratégique de ces deux structures, autrefois indépendantes mais difficilement dissociables. Nous verrons plus tard que sur bien des points les confins de Rive-de-Gier et de Châteauneuf firent bon ménage en des circonstances notoires. Ces dernières se montrent utiles, par exemple, pour l’histoire, le passé et les vestiges de la chapelle de la Madeleine. Ce sanctuaire oublié est aujourd’hui enfoui vers l’échangeur de l’autoroute au pied du castel. Sous peu, nous exhumerons ce précieux vestige, sombré dans l’oubli, qui nous intéressera particulièrement avec l’ouverture d’un dossier que nous appellerons ‘A l’hasard de l’affaire Lazare’ et dont peu de ténors font mention avec précision. Notons, avec surprise et amusement, que chaque fois que certains auteurs ne peuvent disposer, malgré de pitoyables efforts, de nos éléments… ces derniers sont régulièrement taxés de douteux, voire ‘canulardesques’ ou inexistants ! On ne peut qu’applaudir à cet art difficile dont l’exercice permet de contourner l’obstacle en évitant le constat d’impuissance.
Sur les pas de Béatrix
Cet extrait nostalgique et sans prétention, ici présenté, s’attache non seulement au passé détaillé du site mais aussi à ses personnages, sans doute les plus remarqués, Guillaume de Roussillon et son épouse Béatrix, fille de la Tour du Pin. Ces deux personnages nous feront rebondir sur les zones d’ombre formant la fondation du monastère chartreux et d’autres événements, souvent déformés, s’étant déroulés en ces contrées énigmatiques. Les citations de l’ouvrage vont nous permettre de prendre la balle au bond et de nous approcher plus près de cette dame de Roussillon, des ‘maisons’ autour du château -l’arsenal par exemple- et de la suivre pas à pas jusqu’à ce lieu occupé depuis fort longtemps (et nous avons été les premiers à en faire mention, sous la huée générale !) qui deviendra une forteresse de l’Esprit et d’un savoir particulier dont elle sera le sanctuaire. Pour ces raisons, nous souhaitions présenter cet extrait qui, sous coloration de vulgarisation populaire, donne une bonne approche du passé de Châteauneuf… que nous parcourons sans plus attendre.
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Pour la plupart, l'amour de la patrie consiste pratiquement à s'intéresser à cette parcelle du sol national, de laquelle chacun dit : Mon pays, mon clocher. Or, un des moyens d'entretenir ce beau sentiment, n'est-ce pas le souvenir historique et local ?
Longtemps, ce souvenir fut négligé. Le XVIIIe siècle faisait surtout de l'histoire romaine et grecque (Rollin : traité des Etudes). Survint la Révolution, faisant flamber des monceaux de documents ; car pour elle, plus haut que 1789, rien qui mérite attention. Dans ce vide, que savait-on sur l'histoire locale ? Peu de choses, parfois des légendes ridicules. Ainsi à Châteauneuf, à la vue de ces débris, nous disions : construction de Sarrasins. Nous contions qu'une fois il y avait là une dame méchante, cruelle. En 1844, un homme, dont le style respire l'attachement à son pays publiait : ‘Recherches historiques sur la ville de Rive-de-Gier’. On y lit sur cette châtelaine : ‘dame que la tradition accuse de crimes monstrueux’ (1). Monstrueux, oui, car on la disait gourmande de la chair d'enfant. D'où un conte pareil ? Sans doute de ce que les mamans disaient à leurs petits désobéissants: « La dame va te prendre. Gare, la dame va te manger ! »
Quoique révolutionnaire, notre époque a ceci de sage qu'elle s'est mise à rechercher les souvenirs, même ceux d'intérêt local. Ainsi, au chef-lieu, à Montbrison, nous avons la société dite ‘La Diana’, abrégé de Décanat, l'ancien doyenné étant le lieu de ses réunions. De même que l'Etat dépensa des sommes à seule fin de dégager, en telle cathédrale, de magnifiques appareils, masqués de plâtre au XVIIIe siècle, de même les chercheurs dépensèrent beaucoup de patience, afin de dégager, déplâtrer des figures historiques de l'histoire locale. Un exemple de ces personnages rendus à la vérité, c'est la dame de Châteauneuf, Béatrix. Elle apparut digne de tout respect. Il semblait que, en rattachant à cette figure certains détails d'histoire locale, on formerait un tableau intéressant, surtout pour la vallée du Gier. Ce tableau, on a essayé ici de l'esquisser avec le désir de renseigner telles personnes qui n'ont le loisir ni de chercher ni de beaucoup lire, de qui cependant il est vrai de dire : QUI AIME SON PAYS EN AIME TOUS LES BEAUX SOUVENIRS.
Béatrix et sa grande œuvre
Au sortir de Rive-de-Gier, par la route de Lyon, au point où se joint à elle la route de Givors, on aperçoit sur l'autre bord du Gier une cime portant une chapelle. A côté et au-dessus, une haute statue, la Sainte Vierge aux bras ouverts, imitation de celle qui couronne l'ancien clocher de Fourvière. Ici la statue domine une croupe découpée presque en triangle, sur la ligne boisée qui forme à la vallée comme une muraille verdoyante, le long de cette prairie des Etaings, animée par l'usine Marrel, qui occupe toute une population. Cette croupe présente comme une série d'étages, vagues traces d'habitations disparues. La cime et le côté oriental sont parsemés de ruines embroussaillées. Un pan de muraille, d'une épaisseur d'un mètre et demi, se dresse comme un clocher et reste debout, bravant les tempêtes. On dirait un géant persistant là, pour protester contre les ravages du temps.

Singularité des noms, ces vieux débris s'appellent Châteauneuf. En effet, là fut un château ou, comme on disait, un chastel. Bâti ou rebâti, comment fut-il appelé Neuf ? Sans doute par comparaison avec les forteresses qui avaient commencé de hérisser nos cimes dès le démembrement de l'Empire au traité de Verdun 843 et déjà en pleine invasion des Normands: de là sortit la Féodalité. C'était une organisation, où un moins fort faisait hommage à un plus fort, c'est-à-dire se déclarait son homme, pour leur défense mutuelle. Les plus forts, s'associant, devinrent les seigneurs. Autour de leurs châteaux, les populations se groupèrent afin de vivre à l'abri des envahisseurs et des bandits. Les abus ne sont ni la chose ni l'idée. Dans son idée, qu'était la Féodalité ? Une vaste société de secours mutuels.
A quelle époque Châteauneuf fut-il bâti ? Apparemment vers l'an MCC ; car la plus ancienne mention paraît dans un traité de 1220 (1). Quel en était l'aspect ? On s'en fait une idée par le dessin tracé en 1789 par Jean-Jacques de Boissieu, célèbre graveur natif de Lyon mais appartenant à la vallée du Gier par des attaches familiale et territoriale avec la région de Saint-Jean-Toulas. Ce château apparaît, face au levant, avec une terrasse avancée sur un mur formant arcade. La demeure seigneuriale est sur le plan d'un carré long. La façade, percée de deux croisées ou fenêtres partagées en croix, est couronnée de créneaux. Elle présente aux deux extrémités deux tours carrées. Celle du midi est sans croisée et sans créneau. Lui est accolée une tour ronde et de celle-ci part vers le midi un mur crénelé. La tour carrée du nord est percée de quatre croisées superposées deux à deux et indiquant deux étages, dont l'un, l'inférieur, est au niveau des deux croisées de la façade. Cette tour est crénelée. Lui est accolée une tour ronde et crénelée, montant jusqu'à moitié de la hauteur de la tour carrée. Derrière celle-ci, et orientée entre le levant et le midi, apparaît la chapelle avec le clocher actuel mais terminé en flèche timide. Aujourd'hui, on ne voit plus que la chapelle et le pan de mur qui brave les tempêtes. Ce que le dessin ne pouvait pas reproduire, c'est le donjon alors détruit. Il se dressait jadis derrière la tour carrée, le long de la chapelle et sur le rocher. Il reste de cette tour la racine, justement ce qui forme piédestal à la statue. D'après un plan terrier aux archives du Rhône, on sait qu'avant la Révolution le cimetière était à la place actuelle.
Par ses murs, Châteauneuf se dressait en vraie forteresse et aussi par son site. Au nord et au levant, le sol descend en pente ardue ; au couchant, un ravin profond et au midi un retranchement creusé de main d'homme. Il fait face au portail, tout récemment posé, du cimetière agrandi.
Châteauneuf était presque à côté d'une autre forteresse, Rive-de-Gier. Vers la fin du Xe siècle, cette localité s'appelait encore : Ambroniacus (A. Bernard : cartulaire de Savigny). Que signifie ce nom ? Peut-être : propriété d'Ambronius : Ambroni-acus. Peut-être aussi ce nom celtique veut dire localité autour de la rivière (amb-ron). Plus tard, avec l'étendue des relations, il fallut préciser. Alors on dut dire : Rivière du Gier, Rive-de-Gier (Vacher : ‘l’ancien pays de Jarez’, p.10). Apparemment, la ville actuelle commença par un pont. Se détachant vers Brignais de la voie romaine de Lyon à la Narbonnaise une voie montait à Taluyers (M.C. Guigue : ‘les voies antiques du Lyonnais’. Voir la carte). Elle passait le Bosançon sur un pont qui sert encore entre St-Maurice et St-Joseph. Il se trouve en aval d'une arche de l'aqueduc qui amenait à Lyon les eaux du Pilat (Puy, Pic, lat, peut-être de ïatus gros, large). Le Bosançon passé, on atteignait le plateau de Montbressieu puis, par le chemin de Montjoint, on descendait sur le Gier. Là et sur le roc se trouvait un resserrement qui facilitait le passage sur la rive droite, large et commode, tandis que la gauche se présentait escarpée et découpée. Là, il avait été facile de faire un pont. Une fois sur la rive droite, on allait par Saint-Chamond, Saint-Etienne et Firminy jusqu'à Saint-Bonnet-le-Château, point de jonction entre la voie romaine de Lyon à Bordeaux par Rodez, celle dont Strabon dit : « voie à travers les monts Cévennes, jusqu'aux Santons et l'Aquitaine »(I.IV). Le pont romain s'élevait à la place de celui d'aujourd'hui, mais sa chaussée plus étroite avait en hauteur un mètre de plus (Chambeyron : ‘recherches historiques sur la ville de Rive-de-Gier’). Il fut démoli sous Charles X. Quant à la route par la Roussilière, elle ne fut commencée qu'en 1702 (Chambeyron, p. 89). Pour défendre le pont romain de Rive-de-Gier, on bâtit un château entre ce pont et le rocher qui porte l'église actuelle. Celle-ci, haut et vaste pavillon, tout en peintures glorifiant l'Eucharistie et Notre-Dame, remplace un monument d'une certaine majesté, avec son abside à colonnettes cannelées et ses ouvertures couronnées de l'arc roman. Ce monument trouvé insuffisant fut démoli en 4818 (Chambeyron, p.141). Encore aujourd'hui, la rue qui longe le chevet de l'église s'appelle rue du Château. Ce fort fut entouré de murs et fossés dont l’emplacement reste marqué par deux boulevards, traditionnellement dits celui du levant, le Plâtre, et celui du midi, la Grand Ranche, actuellement boulevards Victor Hugo et Waldeck-Rousseau. Comment ces deux étrangers ont-il mérité ce haut droit de cité ? On a oublié d'en dire un mot sur la plaque. Ces deux boulevards descendent vers le Gier et marquent largement le tracé de l'ancienne ceinture. Voilà le noyau de cette ville si active, chef-lieu de Châteauneuf. Renaud, des comtes de Forez, archevêque de Lyon de 1193 à 1226, fortifia Rive-de-Gier « Villam quoque de Ripa Gierii muris et aggeribus muniri fecit » (Obit. Lugd. Eccl.).
Au Moyen-âge, Châteauneuf et Rive-de-Gier se trouvaient dans une partie du pays lyonnais appelée le Jarez ou territoire du Gier (Jaris, ager Jarensis). Dans un document de 868, on trouve Garensis (M.C. Guigue Cartul. Lyonnais, I, 3.). La rivière voisine du Gier à son embouchure s'appelant Garon, comme qui dirait Petit Gier, il semble que l'ancien nom du Gier soit Gar ou Garus (A. Devaux : ‘Noms de lieux’, 1898) semblable à Garonne qui, paraît-il, signifie bruyante. De fait, le Gier devient vite bruyant et il s'élance d'une cascade, le Saut du Gier. Jaris serait donc le mot Garus adouci.
Or, en ce pays de Jarez et au milieu du XIIIe siècle, à qui appartenait Châteauneuf ? A la famille de Roussillon, venue par mariage du Dauphiné dans le Jarez. En 1270, date de la mort de Saint-Louis, le seigneur de Châteauneuf avait nom Guillaume et son épouse, Béatrix. Etaient-ils de grands personnages? Guillaume était seigneur de Roussillon, sur les bords du Rhône, arrondissement de Vienne. Il était seigneur de Riverie qui s'appelait alors Riviriacus, peut-être de Rivïri-acus, propriété de Rivirius, ou de Riviria, localité au-dessus du ruisseau. Or, la seule seigneurie de Riverie correspondait à sept de nos communes : Saint-Romain-en-Jarez, Sainte-Catherine, Riverie, Saint-Didier, Saint-André, Saint-Sorlin, Chaussan. De par le testament de son cousin Aymar en 1271, Guillaume devint seigneur d'Annonay. Sa mère Artaude était fille de Guy IV et sœur de Guy V, ces comtes de Forez dont le chastel couronnait la butte au pied de laquelle est Montbrison ; imposant manoir, dont le temps n'a totalement ni abattu les murs et tours, ni effacé les chemins. Guillaume était frère d'Aymar, d'abord moine à Cluny, puis élu archevêque de Lyon dans le second des conciles tenus en cette ville, en 1274 ; frère encore d'Amédée, d'abord abbé de Savigny, puis évêque de Valence et en même temps de Die. L'une de ses deux sœurs, Alix, épousa Ponce Bastet, seigneur de Crussol, dont le chastel sur le Rhône, en face de Valence, élève encore, au-dessus d'un roc à pic, des ruines appelées Cornes de Crussol. Son autre sœur, Béatrix, épousa Gaudemar II de Jarez, seigneur de Saint-Chamond. Enfin, son épouse Béatrix de la Tour était fille du baron de la Tour-du-Pin et sœur d'Humbert Ier qui, par son mariage, devint dauphin de Viennois et fut le grand-père d'Humbert II qui céda le Dauphiné au roi de France… Guillaume et Béatrix étaient donc de grands personnages par position.
Eh bien, ils étaient grands aussi par le cœur. En voici la preuve. Cinq ans après la mort de Saint-Louis, décédé en la VIIIe croisade, Guillaume quittait propriétés et châteaux pour s'en aller outre-mer y affronter cimeterres et feu grégeois afin de guerroyer contre les Sarrasins, nos anciens envahisseurs, et secourir les chrétiens de Palestine. Son arrière grand-père, Guy III, comte de Forez, parti dans la IIIe croisade, était mort près de Jérusalem (‘Histoire de France’ : Aug. Bernard, ch. VII). Dans la VIIe, son oncle, Guy V, avait eu la jambe brisée sur le champ de bataille près de Damiette (Joinville XXVII).
Avant de s'éloigner, il fit son testament, le 11 août 1275, dans son château d'Annonay (Archives Nationales, P.1361). Par cet acte, Guillaume assigne leur part à chacun de ses huit enfants. Ce qui frappe, c'est le ton d'autorité car ces lignes sont parsemées du mot ‘Volo’, je veux. A un certain nombre de prêtres des environs il donne, et à chacun, trente sous comme offrande pour trente messes. II s'agissait de sous d'argent ; le sou de cuivre ne date que de Louis XV: au temps de Saint-Louis, à Paris, le sou valait environ 3 fr.70 d'aujourd'hui (Boutié : ‘Paris au temps de Saint-Louis’). Parmi les prêtres désignés, ceux de Pavezin, Châteauneuf, Tartaras, Dargoire, Saint-Maurice, Saint-Didier (S. Desiderii subtus Riviriacum), Mornant, Saint-Romain-en-Jarez, l'Aubépin, Chagnon, Longes, Valfleury (de la Valle florida), Saint-Genis (de S. Genesio in Terra nigra), les Hayes. Ensuite, on lit : « Je veux et commande que mes exécuteurs achètent de mon avoir LX douzaines de draps d'Annonay », C'était pour habiller les pauvres ‘pro pauperibus induendis’ .On devait faire la distribution à 240 pauvres, dans les trois ans après le décès, quatre-vingts personnes étant secourues par an. Première distribution à ceux de la terre d'Annonay, deuxième à ceux de la terre de Riverie, troisième à ceux de la terre de Roussillon.
Et à Béatrix, son épouse, cette mère qui a huit enfants, que donne-t-il ? « A dame Béatrix, mon épouse, je donne et lègue, mais pour son vivant, mon château de Châteauneuf « castrum meum de Castro novo» et tout ce que j'ai, je tiens, ou espère tenir en fief du seigneur comte de Forez, au comté de Forez ».
Son testament fait, le généreux Guillaume part ‘cheveteine’ c'est-à-dire capitaine. Sa troupe est ainsi fixée par une ordonnance de 1275 « C'est l'ordonnance que ly légat Symons, messire Erard de Valéry et ly connestable de France ont faite de gens que ly rois et ly légats envoyent outre mer, dont messire Guillaume de Roussillon est cheveteine. Premièrement l'on baille audict Guillaume cent hommes à cheval, c'est à scavoir XL archers, XXX arbalestriers et XXX sergents à cheval. Item l'on lui baille trois cents sergents à pied » (Roger : ‘La noblesse de France aux croisades’). Notre brave cheveteine arrive à Saint-Jean-d'Acre en octobre 1275. Il meurt en 1277 et vraisemblablement en Terre Sainte.
Que devient Béatrix? Sur sa demande, le testament est ouvert par l'official de Vienne, le 3 janvier 1278 (‘Revue du Vivarais’. 1901). Elle se retire en son douaire, Châteauneuf, selon la disposition de son défunt, veuve fidèle de tout cœur au souvenir de ce loyal et preux chevalier. A Châteauneuf, elle partage son temps entre la prière, sa grande consolation dans les tribulations de son deuil et les soins dus à ses enfants. Préoccupée de bonnes œuvres, c'est de Châteauneuf qu'elle va partir pour désigner l'emplacement de sa grande œuvre, la Chartreuse de Sainte-Croix. L'Ordre célèbre des Chartreux existait depuis près de deux cents ans. Pourquoi Béatrix voulut-elle fonder une Chartreuse plutôt que tel autre établissement? D'une telle bienveillance elle trouvait des exemples dans sa famille. L'an 1200, son aïeul Hugues de Coligny avait fondé la Chartreuse de Sélignac. Son oncle, Bernard de la Tour, avait été le XIIIe Général de l'Ordre (1253-1258). Son frère Humbert, dauphin de Viennois, ayant abdiqué, se retira en la Chartreuse du Val Sainte-Marie de Bouvante où il mourut en 1307. Enfin, veuve vraiment éplorée et détachée du monde, aspirant elle-même à une vie solitaire, elle voulait favoriser quelques-unes de ces âmes qui ne peuvent vivre que dans la solitude, loin des mondains agités, comme telles plantes ne respirent bien et ne fleurissent bien que très abritées.

Châteauneuf et ses seigneurs

L’Histoire de tout le monde… peut en cacher une autre
Le lecteur trouvera nos autres textes, à propos du sujet spécifique de Châteauneuf, sur le site Société Perillos où ils trouvent leur place en raison de leur lien direct avec l’affaire de Rennes-le-Château et Périllos. Ce chapitre, évidemment, fait suite à nos textes précédents et est indissociable des éléments concernant Guillaume et Béatrix de Roussillon… et les complète logiquement.
Pour présenter l’historique de ce site remarquable, des centaines de pages seraient nécessaires… mais pas forcément indispensables pour une première approche. Nous présenterons donc un choix d’extraits d’ouvrages offrant un survol d’une chronologie historique. Certes, concernant ce site et les conséquences que ces maîtres supporteront, nous verrons nos recherches s’axer sur certains aspects… dissimulés, occultés, entretenus soigneusement ‘sous le boisseau’. Cependant, chaque fois que nous pouvons, nous appuyons nos travaux sur des bases historiques… sans en faire cependant une fixation. Effectivement, souvent l’Histoire n’est qu’une sorte de grosse coque plus ou moins creuse. Simultanément à son ‘mûrissement’, d’autres événements que véhicule cette ‘porteuse’, souvent sans même le savoir, la façonnent afin que s’accomplissent d’autres faits qui, parfois, se déroulent dans une discrétion absolue… sans intervention directe sur cette Histoire de tout le monde.
Pour le site de Châteauneuf, nous ouvrons cette série de pages remarquablement remplies par des historiens souvent pionniers (souvent soupçonnés d’erreurs par ceux qui, bien entendu, auraient été incapables, à l’époque, de faire autant… sans parler de mieux !) ou d’éclairés érudits locaux, amateurs du passé. Nous les remercions tous de faciliter si souvent notre tâche par leurs écrits incontournables.
L’ancien pays de Jarez selon A. Vachez
Nous commencerons donc par un ouvrage d’A. Vachez, bien connu : ‘Etudes Historiques sur l’ancien Pays de Jarez’, paru en 1885. Nous reprenons dans ce livre remarquable le chapitre VIII, consacré précisément à Châteauneuf (pages 49 à 60). Cet auteur reste un des premiers à simplifier la chronique au point de nous la rendre accessible. Quoique certains en disent, il est un de ceux qui collationnèrent le plus grand nombre de documents anciens et vénérables, concernant les régions qui nous intéressent. Nous avons ici un excellent résumé chronologique concernant les maîtres de Châteauneuf.
Nous ajoutons à ce texte le plan du site fortifié avant la Révolution… qui se trouve en ouverture de cet ouvrage avant même que débute le contenu. Le visiteur trouvera, évidemment, de nombreux changements sur le site et, hormis la chapelle (appelée ‘Eglise’) et le cimetière, il ne reste que de pauvres vestiges marquant toutefois l’importance de ce ‘verrou’ sur la vallée du Gier.
Vestiges et mémoires
Vachez souligne que le site portant le terme ‘neuf’ montre qu’il y eut, logiquement un castel plus ancien. Il est vrai que ce qui reste de l’agencement ne peut que remonter, au plus vieux, qu’aux derniers remaniements suite à l’incendie du début du XVe siècle. De toute évidence, lors de ces travaux, il y eut reprise sur les anciennes fondations de l’époque des Roussillon… qui elles-mêmes datent des époques wisigothes… construites sur les vestiges romains. Cette occupation de l’éperon rocheux n’est pas discutable car on peut encore trouver quelques vestiges, dont un puits (quasiment comblé à présent) avec un parement de briques romaines dont certaines portent la marque du potier... Ce puits dut être réutilisé au fil des réoccupations car on y a retrouvé, il y a plus de 40 ans, divers vestiges médiévaux et les restes d’un homme comportant un carreau d’arbalète fiché dans l’os du bassin… Le plan du fort romain a été dressé par un instituteur de la Grand-Croix, en 1896, Antoine Gattin. C’est sans doute le document le plus complet sur la question, où est également signalé le tracé d’un petit aqueduc souterrain alimentant la place depuis une prise d’eau à quasiment un kilomètre en amont. Au début du XXe siècle, il se disait encore que, de nombreuses fois, la charrue et son attelage seraient tombés dans la galerie d’alimentation en divers endroits de sa longueur. A. Gattin signale tous les emplacements où il retrouve des vestiges romains dans les soubassements de certaines maisons du village, dont une large portion d’une mosaïque de sol servant de socle pour… une chaudière ! C’est plus loin, sur le côté gauche de la route qui traverse le village, que se trouvait un petit hypogée dont l’entrée était encore visible en 1960. Quant au culte romain, Gattin et Charrerond en retrouveront les bases avec un petit oratoire à la sortie du village (côté droit) et près du nouveau cimetière où on voyait les restes d’un bassin rituel… Sur ces trois lieux, d’intéressants vestiges ont été retrouvés. Ils font aujourd’hui la fierté de quelques collectionneurs de Rive-de-Gier qui se reconnaîtront sans doute ici !
Des restes encore visibles
Ruine de la chapelle 'La Madeleine’
Quant à ce qui reste du château lui-même, nous signalerons quelques vestiges encore bien connus au début du XXe siècle. D’abord, ce qu’il reste du donjon, près de la chapelle castrale, sert d’esplanade pour une statue mariale sur laquelle nous reviendrons ultérieurement. Cette assise est posée sur une salle voûtée importante dont l’entrée murée se voyait distinctement en 1957 (M.Charrerond).
Une cavité, accessible depuis le vieux bâtiment encore conservé à hauteur du rez-de-jardin, s’ouvrait vers l’effondrement au pied du mur sud. Ce pouvait être une citerne… ou tout aussi bien la fameuse ‘petite salle basse’ dont il est question à propos de la signature et l’entrepôt de certaines pièces conservées maladivement par Guillaume de Roussillon. Enfin, un puits… en contre bas des appartements seigneuriaux ; très curieusement il s’agit d’un puisard sec qui de toute évidence le fut dès son origine. Et tout aussi curieusement, tout au fond se voyait une gravure représentant trois épis ou navettes surmontés d’un cercle… De ce fond partait une galerie en forme de mine. Nous ne sommes jamais allés plus loin en raison des risques conséquents d’effondrement de l’ouverture et des chicots de murs qui l’entourent encore.
Il nous restera à revenir ultérieurement sur d’autres ‘détails’ et surtout sur la chapelle Sainte Madeleine, dans le champ face à Châteauneuf… là où se trouve maintenant l’échangeur de l’autoroute actuelle.
A suivre…
A. Douzet
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Châteauneuf

(selon A. VACHEZ – 1885)

Dans son étude sur le Jarez et ses seigneurs, M. de la Tour-Varan attribue aux Lavieu la construction du vieux manoir de Châteauneuf. Mais cet historien avoue lui-même qu'il ne peut fournir aucune justification de ce fait, et qu'il ne donne cette opinion que comme une simple probabilité (1).
Et, en effet, aussi haut qu'on remonte dans l'histoire de l'ancien pays de Jarez, aucun document ne nous montre les Lavieu possessionnés à Châteauneuf. Ses premiers possesseurs furent les Roussillon, famille puissante qui possédait aussi, dans le Lyonnais, Riverie, Dargoire, l'Aubépin et Saint-Romain-en-Jarez, et à laquelle il doit, sans aucun doute, sa construction. Il est à remarquer, en effet, que la plupart des châteaux appartenant aux seigneurs de Roussillon paraissent avoir été construits d'après un plan stratégique évident. Car on pouvait, de Châteauneuf, correspondre par des signaux avec Riverie, comme de cette dernière forteresse on pouvait surveiller le château de l'Aubépin.
D'ailleurs, le nom de Châteauneuf nous indique lui-même que ce château fut élevé à une époque relativement récente, et postérieure, dans tous les cas, aux autres forteresses féodales voisines, telles que Riverie, Senevas et Dargoire. Aussi, n'apparaît-elle dans l'histoire qu'au commencement du XIIIe siècle, dans un traité passé, en 1220, entre Artaud III de Roussillon et Renaud de Forez, archevêque de Lyon qui, entre autres engagements, promit, sous la foi du serment, de n'élever aucune fortification nouvelle dans le mandement de Châteauneuf, non plus que dans ceux de Riverie, de Dargoire et de Pizey (2).
Artaud de Roussillon, quatrième du nom, succéda à son père Artaud III, vers 1228. Trente ans plus tard, le 10 février 1258, (n. st.), émancipant son fils aîné Guillaume, il lui donna en pleine propriété la seigneurie de Châteauneuf avec toutes ses dépendances (3).
A la mort de son père, survenue vers 1270, Guillaume de Roussillon, déjà seigneur de Châteauneuf, lui succéda dans la possession des terres de Roussillon, de Riverie et de Dargoire. Il joignit même à toutes ces seigneuries celle d'Annonay qui lui fut léguée par son cousin, Aymar de Roussillon, dans son testament du 6 juin 1271 (4).
Guillaume testa le 11 août 1275, au moment de partir pour la Terre-Sainte, où le roi Philippe le Hardi l'envoyait secourir les chrétiens d'outre-mer, à la tête de 100 hommes à cheval et de 300 sergents à pied, auxquels se joignirent plusieurs chevaliers dauphinois. Arrivé au port d'Acre, au mois d'octobre de la même année, il prit le commandement général des troupes chrétiennes et donna dans maintes occasions des preuves de son habileté et de sa bravoure. Mais ce n'était pas avec d'aussi faibles forces que l'on pouvait rétablir les affaires des chrétiens. Le vaillant chevalier eut du moins la gloire de maintenir la situation et d'inspirer aux infidèles une terreur que justifiait sa bravoure (5).
Guillaume de Roussillon mourut en Palestine à la fin de l'année 1277, en emportant les regrets de toute l'armée des croisés. Il avait épousé Béatrix de la Tour, fille d'Albert III, baron de la Tour, et de Béatrix de Coligny, qui lui donna six enfants, dont l'aîné, Artaud V de Roussillon, fut institué héritier universel par son père. Mais, dans son testament que sa veuve fit transcrire par l'official de Vienne, le 3 janvier 1278 (n. st.), Guillaume avait aussi légué à cette dernière, pour son douaire, les châteaux de Nervieu et de Châteauneuf, et c'est dans ce dernier château que Béatrix paraît avoir fait sa résidence habituelle, jusqu'au jour où elle fonda la Chartreuse de Sainte-Croix en Jarez (6).
La charte de fondation de ce monastère fut dressée, le 24 février 1280, dans le cloître de Taluyers (7), et c'est dans cette Chartreuse qu'elle passa les dernières années de sa vie. A sa mort, arrivée le 18 mai 1307, Châteauneuf revint aux mains de son fils Artaud V de Roussillon, seigneur de Roussillon, de Riverie et de Dargoire. Ce dernier mourut en 1316 et son fils Aymar de Roussillon fixa avec l'église de Lyon les limites respectives des seigneuries de Rive-de-Gier et de Châteauneuf, par une transaction portant la date du 18 février 1321 (8).
Alix de Roussillon, fille unique d'Aymar, épousa, en 1350, Humbert VII de Thoire-Villars auquel elle apporta en dot la terre de Châteauneuf, avec toutes les autres seigneuries appartenant à la maison de Roussillon. Morte sans enfants, longtemps avant son mari, elle légua même toutes ses terres à ce dernier, par son testament qui porte la date du 22 février 1367 (n. st.) (9).
Toutefois, ce legs n'assura pas immédiatement à Humbert VII la jouissance paisible de la succession d'Alix de Roussillon. Guillaume de Roussillon, chanoine de Lyon, oncle de cette dernière, éleva des prétentions sur les terres de Roussillon, d'Annonay et de Riverie, du chef de Marguerite de Roussillon, dame de Viriville, sa sœur, et cette réclamation parut assez sérieuse au sire de Villars, pour qu'il transigeât avec Guillaume, auquel il céda la jouissance viagère des châteaux de Dargoire et de Châteauneuf, avec une rente de 140 livres, assise sur les revenus de Roussillon et de Riverie, et une somme de 2.100 florins, pour lui tenir lieu de 14 ans d'arrérages de ladite rente, en échange de sa renonciation à tous les droits qu'il prétendait avoir sur l'héritage des Roussillon (5 décembre 1369) (10).
Mais Humbert VII avait recouvré la jouissance pleine et entière de Châteauneuf quand il fit donation de cette terre, ainsi que de celles de Riverie, Dargoire et l'Aubépin, à sa troisième épouse, Isabeau d'Harcourt, pour la remplir de ses reprises matrimoniales (6 octobre 1400) (11).
Après avoir reçu cette donation, Isabeau d'Harcourt ne tarda guère à prendre possession de ces diverses seigneuries où, dès ce moment, elle se conduisit en maîtresse et souveraine. C'est ce que nous apprend une procuration donnée, le 3 décembre 1400, par le sire de Villars, à l'effet de délivrer à Isabeau d'Harcourt, son épouse, toutes les terres contenues dans la donation qu'il lui a faite, et l'en mettre en possession réelle et corporelle (12). C'est ainsi pareillement que nous voyons Isabeau d'Harcourt accorder aux habitants de Saint-Chamond, de Saint-Priest, de Rochetaillée et du Thiel (Lavalla), l'exemption de tous les droits de péage, qui_étaient perçus surtout sur les fers, dans les terres et juridictions de Châteauneuf et de Dargoire (13).
A la fin du XIVe siècle, l'hommage des terres de Riverie, Châteauneuf et Dargoire était dû, pour une cause qui n'a point encore été expliquée, à Jean, duc de Berry. Mais, en 1392, ce prince ayant été reçu chanoine de l'église de Lyon, céda au chapitre tous ses droits de suzeraineté sur ces diverses terres, et ce fut ainsi qu'Isabeau d'Harcourt en fit hommage entre les mains du doyen du chapitre, le 17 septembre 1401 (14).
Humbert VII tenait beaucoup, d'ailleurs, à l'exécution des libéralités qu'il avait faites à son épouse.
Ainsi, dans une lettre écrite par lui le 18 octobre 1419 « à ses bien aimés les nobles et autres gens, manants et habitants de Châteauneuf », il les engage fortement à ne reconnaître, après son décès, aucun autre seigneur, que la dame d'Harcourt, à laquelle il avait fait donation dudit lieu. Ils ne devaient donc permettre à personne d'y mettre garnison, et dans le cas où le seigneur de la Roche, son neveu, se présenterait, on devait lui fermer les portes de la forteresse (15).
Cette lettre nous révèle, ainsi que d'autres documents (16), que Philippe de Lévis, seigneur de la Roche en Régnier et neveu d'Humbert VII, élevait des prétentions à la succession du sire de Villars, même du vivant de ce dernier. Mais il est certain que la donation faite à Isabeau d'Harcourt reçut sa complète exécution, et qu'elle posséda paisiblement, jusqu'à sa mort, Roussillon, Annonay, Riverie, Dargoire et Châteauneuf.
C'est ainsi que dans son testament, en date du 20 novembre 1441, après avoir institué pour son héritier universel, son cousin Charles, duc de Bourbon et comte de Forez, elle légua au chapitre de Saint-Jean les châteaux et seigneuries de Dargoire et de Châteauneuf, avec toutes les terres qu'elle possédait à Ampuis, sous la condition de remplir diverses charges, rappelées dans une inscription qui existait autrefois dans la chapelle de la Croix de l'église primatiale, et dont il ne subsiste plus aujourd'hui que le cadre en pierre sculptée, élevé sur un pied droit, orné d'une statuette (17).

Dans son testament, Isabeau d'Harcourt ordonne aussi qu'à l'avenir les seigneurs de Riverie ou leurs officiers ne pourraient plus, comme ils en avaient le droit auparavant, juger et connaître, à aucun degré, des causes des habitants de Châteauneuf et de Dargoire; mais les procès des lieux de Chagnon, d'Ampuis et de la Garde, qui ressortissaient autrefois en appel de la juridiction de Châteauneuf et de Dargoire, devaient être soumis, à l'avenir, à la connaissance des officiers de justice de Riverie.
Une autre disposition concerne les créances et les dettes de la testatrice vis à vis des habitants de Châteauneuf, de Dargoire, de Riverie et de ses autres seigneuries, toutes les personnes dignes de foi, dont la dame d'Harcourt pouvait être débitrice, furent admises à réclamer leur paiement à son héritier, en affirmant la sincérité de leur créance, sous la foi du serment. Ses débiteurs furent également autorisés à prouver leur libération, sous la même condition.
Ce testament renferme encore un legs de 50 francs à la chartreuse de Sainte-Croix, à la charge de quelques prières pour le repos de son âme. Tous les couvents et les hôpitaux de Lyon reçurent aussi diverses libéralités. Enfin, la testatrice choisit pour exécuteurs testamentaires l'archevêque de Lyon et Pierre Charpin, licencié en droit, camérier de Saint-Paul et official de Lyon (18).
Le 10 juin 1443, trois jours après l'inhumation d'Isabeau d'Harcourt dans l'église de Saint-Jean, le Chapitre déclara accepter les libéralités qui lui étaient faites par cette dernière, et promit d'exécuter les charges qui lui avaient été imposées, et qui consistaient notamment dans l'obligation de dire, chaque jour, une messe dans la chapelle du Haut-Don (aujourd'hui de la Croix), de se rendre, chaque semaine, en procession dans cette chapelle, pour y chanter des oraisons sur sa tombe, et de célébrer, chaque année, le jour anniversaire de ses funérailles, un service solennel pour le repos de son âme (19). Ajoutons que toutes ces fondations ont été remplies fidèlement par le Chapitre de Saint-Jean, jusqu'à la Révolution (20).
En même temps, Pierre Charpin, exécuteur testamentaire de la dame d'Harcourt, poursuivit sans délai l'envoi du Chapitre en possession, des seigneuries de Châteauneuf et de Dargoire. Les officiers de Charles de Bourbon, son légataire universel : Gilbert de la Fayette, maréchal de France, et Gastonnet du Gast, seigneur de Lupé, assistés des juges de Forez et de Beaujeu, s'empressèrent, de leur côté, de faire droit à cette demande et délivrèrent au Chapitre les seigneuries léguées, en même temps que tous les legs pieux qui leur avaient été faits par la testatrice (21).
Ce fut ainsi que, depuis cette époque et jusqu'à la Révolution, Châteauneuf et Dargoire ne formèrent plus qu'une seule seigneurie, dont l'administration et les revenus étaient attribués à l'un des chanoines de la primatiale, appelé ‘obeancier’ ou seigneur ‘mansionnaire’.
Le premier de ces seigneurs mansionnaires fut le chanoine Henri d'Albon, auquel le Chapitre confia, le 6 novembre 1443, l'administration et la régie des châteaux de Châteauneuf et de Dargoire, avec les droits qui en dépendaient, « à la charge par lui de les faire garder fidèlement, d'y exécuter les réparations nécessaires, de les entretenir en bon état à ses dépens et de payer les anniversaires fondés par la dame de Villars (22). »
Rien ne vint troubler la possession paisible des chanoines comtes de Lyon, jusqu'au temps des guerres civiles de la fin du XVIe siècle. Mais l'humble manoir ne put échapper alors aux guerres incessantes qui désolèrent le Lyonnais, à cette époque.
Au mois de juillet 1590, toutes les forces des ligueurs lyonnais, commandées par Jacques Mitte de Chevrières, seigneur de Saint-Chamond, étaient occupées au siège de Thizy, quand les royalistes de Vienne, commandés par Antoine d'Hostun, seigneur de la Beaume, s'avancent dans le Lyonnais et s'emparent de Chateauneuf et de Riverie, où ils firent un certain nombre de prisonniers.
Mais, dès le 8 août suivant, Chevrières était sous les murs de Riverie, qu'il attaqua avec les deux canons et les deux couleuvrines qu'il avait ramenés de Thizy. Il put ainsi, dès le 10 août, livrer un assaut qui lui coûta des pertes sensibles mais qui lui livra la possession de ce village. La garnison, qui ne comptait plus que 300 hommes, se réfugia dans le château contre lequel les assiégeants ouvrirent le feu de leur artillerie.
La place était forte, comme Chevrières le reconnut lui-même dans sa correspondance avec le Consulat lyonnais (23); mais, privés de canons, les assiégés ne pouvaient tenir longtemps devant les moyens puissants d'attaque dont disposaient les ligueurs. Il suffit de quelques centaines de coups de canon pour les décider à l'évacuer, ce qu'ils firent dans la nuit du 11 au 12 août 1590, environ deux heures avant le jour. Ils purent ainsi gagner sans obstacle Châteauneuf qui était déjà en leur pouvoir.
Néanmoins, Chevrières envoya à leur poursuite quelques cavaliers avec 200 arquebusiers qui firent mine d'investir Châteauneuf. Mais la garnison fit bonne contenance, et l'affaire se borna à quelques escarmouches qui se renouvelèrent à plusieurs reprises pendant la nuit mais qui furent sans résultat.
Abandonné par une partie de ses soldats et menacé par une troupe de 300 cavaliers et d'un pareil nombre d'hommes à pied, envoyés de Vienne au secours des royalistes, Chevrières n'osa entreprendre le siège de Châteauneuf et exposer son artillerie à tomber aux mains des ennemis. Il rappela les troupes qu'il avait envoyées devant cette place et renvoya, à Lyon, dès le 13 août, par la voie de Duerne et d'Iseron, les deux canons et les deux couleuvrines que lui réclamait le consulat.
De leur côté, les troupes royalistes ne tardèrent guère à revenir à Vienne, où les suivit le baron de Riverie, Antoine Camus, qui vit son château de Riverie rasé impitoyablement par les ligueurs, quelques jours après qu'il fut tombé en leur pouvoir (24). Aucun autre fait historique n'est à signaler au sujet de Châteauneuf, jusqu'à la Révolution qui confisqua les terres du chapitre et fit démolir le vieux château.
Aujourd'hui, il ne subsiste plus, de l'antique forteresse des Roussillon, que quelques débris de murailles s'écroulant de toutes parts et au pied desquelles, dans une gorge étroite, semble s'abriter, comme aux temps féodaux, l'humble village de Châteauneuf. Jusqu'à ces dernières années, l'église qui avait déjà rang de paroisse au XIIIe siècle, mais qui n'est plus qu'une simple chapelle, demeurait seule debout au milieu de ces ruines, quand fut érigée, le 17 septembre 1876, sur le terre-plein formé par les premières assises de l'ancien donjon du château, une statue de la Sainte Vierge, sous le vocable de Notre-Dame de l'Espérance (25).
L'humble cimetière, situé au delà du fossé qui sépare la vieille forteresse du sommet de la croupe ardue sur laquelle elle fut bâtie, achève de donner à Châteauneuf un caractère de mélancolique tristesse. C'est vainement que le mouvement incessant du chemin de fer de Lyon à Saint-Etienne, qui passe à ses pieds, vient interrompre le silence qui règne d'ordinaire autour de ces ruines. Ce bruit d'un moment, qui s'éteint et renaît tour à tour, laisse à peine au visiteur l'illusion d'un retour de quelques instants vers le passé. Car il lui rappelle, à toute heure, que la vie moderne et nos habitudes sociales ne sont plus celles des générations qui ont élevé ces vieux remparts, auxquels chaque orage et chaque hiver enlèvent une pierre, et dont il ne restera bientôt plus qu'un souvenir.
Renvois dans le texte
(1) - De la Tour-Varan. Châteaux et abbayes du Forez. II. 310.
(2) - Mazures de l'Isle Barbe, 531. — Bréquigny. V. p. 153.
(3) - Huillard-Bréholles. Inventaire des titres de la maison de Bourbon. 40, 273 et 354. — Noms féodaux. — D'Achéry. Spici-legium. III. 637. — Bréquigny. VI. 366.
(4) - Huillard-Bréholles. Inventaire etc. 518, 520, 553, 559, 575. — Chorier. Hist. du Dauphiné. 147. — La Mure. Hist. des ducs de Bourbon et des comtes de Forez. I. 271. — Noms féodaux.
(5) - Chorier. Hist. du Dauphiné. 155. — Roger. La noblesse de
France aux Croisades. 158.
(6) - Huillard-Bréholles. Inventaire. 640 et 641. — Noms féodaux.
(7) - Mazures de l'Isle Barbe. 533.
(8) - V. le chapitre IV de ces Etudes.
(9) - Chaverondier. Invent. des titres du Forez, n° 287. — Huillard-Bréholles n° 2991 et 3021.
(10) - Huillard-Bréholles. Inventaire etc. N° 3124, 3128 et 3129, — Noms féodaux.
(11) - Archives du Rhône. Esther, f.136 — La Teyssonnière. Recherches histor. sur le départ. de l'Ain. IV. 173 et s. — Guichenon. Hist. de la Bresse.
(12) - Archives du Rhône. Esther, f.137.
(13) – Ibidem. f. 222.
(14) – Ibidem. f. 197.
(15) – Ibidem. f. 138.
(16) - V. notamment Chaverondier. Inventaire etc. n° 1233.
(17) – V. le travail que nous avons publié dans la ‘Revue du Lyonnais’ (3e série, t. V. p. 173) sous ce titre : Isabeau d’Harcourt et l’église de Saint-Jean.
(18) - Archives du Rhône. Esther, f.140. — Archives nationales. Bourbonnais, PP. 37, c. 1121 et 1122.
(19) - Quincarnon. Antiquités de l'église de Saint-Jean, p. 54 (p. 57 de la nouvelle édition publiée par M. Guigue dans la Collection lyonnaise. Lyon. Georg. 1879).
(20) - L'abbé Jacques. Le Révélateur des mystères, 17. — Arch. du Rhône. Esther f.182.
(21) - Archives du Rhône. Esther. f.189.
(22) Ibidem. f.251. — Voici la liste des seigneurs mansionnaires de Châteauneuf et de Dargoire, dont nous avons pu retrouver les noms : Henri d'Albon, 1443. — Charles de Grilly, 1530. — Jean de Talaru Chalmazel, avant 1579. — Gaspard Mitte de Chevrières, 1579. — Antoine de Crémeaux, 1609-1614.— Aymé de Saint Aubin de Saligny, 1629-1651. — François des Escures, 1659-1670. — Claude de Saint-Georges, 1670-1690.
— Germain de Chateigner de la Chateigneraie, 1760-1762 — Lezay de Marnésia, 1787-1790.
(23) - Lettre de Chevrières au Consulat : « Je vous asseure que d'autant plus que je considère ceste place, d'autant plus je la treuve forte, et s'ils eussent eu autant de courage de la défendre, comme nous avions de l'assaillir, nous eussions eu beaucoup de peine à l'avoir. » {Arch. de la ville de Lyon AA. 37. f.247. —12 août 1590.)
(24) Archives de la ville de Lyon. AA. 37 et 109. — BB. 125. Archives historiques et statistiques du départ. du Rhône. XII. 163. — Clerjon. Hist de Lyon, V. 389.
(25) V. ‘la Semaine catholique de Lyon’, année 1876, p. 886.

la Madeleine

Pour ouvrir sur ce site la rubrique Châteauneuf et Béatrix de Roussillon, fille De la Tour, nous présentons un petit article concernant les fêtes et cérémonies religieuses des sites au bas du castel. Il s’agit d’une mémoire à propos du secteur où se trouvait l’ancienne chapelle Ste Madeleine, le quartier du même nom et le franchissement du Gier. Ce texte est tiré d’un journal régional de la vallée du Gier, de mi-juillet 1931. Nous ne résistons pas au plaisir d’ajouter un autre ‘encart’ où il est question de la ‘bénédiction des véhicules’… On voit effectivement que tous ces derniers sont concernés par la cérémonie… même les voitures d’enfants du type ‘poussette’ et ‘landau’… Cette anecdote assez insolite méritait d’être également présentée.

En lisant le journal du Gier…

«Grandes Fêtes Patronales et Fête des Moissons.
- Notes historiques -
Aux habitants de Châteauneuf, la Madeleine, Saint-Jean, Saint-Joseph, Saint-Maurice, Tartaras, Trêves, Longes, etc. : Dimanche 26 juillet, l'antique église de Châteauneuf, annexe de celle de Saint-Jean, célèbre en même temps, comme le veut la liturgie, la fête de Saint Christophe, son patron, qui est de 1ère classe, et celle de Saint Jacques, qui est de 2ème classe. La solennité comporte une messe solennelle à 8 h. 30 et des vêpres solennelles, en plein air quand le temps le permet, à 17 h. 30. Diverses bénédictions accompagnent ces deux cérémonies et demandent quelques mots d'histoire et d'explication.
La Saint-Jacques amène avec elle, dans toutes les paroisses rurales, la bénédiction des fruits nouveaux et des épis ; c'est, à Châteauneuf, la Fête des Moissons. L'église est décorée avec des épis et tous les assistants, le matin et le soir, portent à la boutonnière ou au corsage, trois épis symboliques et, à la main, un bouquet d’épis. C’est la ‘Croix de blé’ qu’a chantée un de nos poètes et que les agriculteurs fixent à la porte de leurs maisons, de leur grenier à blé. Il y a, comme de coutume, la distribution du pain bénit, offert à tour de rôle par quelque famille notable. Mais, au pied de la colline de Châteauneuf, coule le Gier qui reçoit son affluent, le Bosançon. De l'autre côté du Gier existait, depuis le XIIIe siècle, la vieille Chapelle des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, gîte d'étape, avec cimetière, et dédiée à Sainte Madeleine et à Saint Jacques. Elle s'ouvrait directement sur le Bosançon dont le lit, comme celui du Gier, servait de route à l'époque des basses eaux. Mais, à l'époque où ces rivières n’étaient pas guéables, un passeur faisait le service de liaison entre les deux chapelles, d'où le patronage de Saint Christophe donné, dès l'origine, à la Chapelle de Châteauneuf.
Les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, possessionnés dans les environs de Rive-de-Gier, assuraient la protection des routes, jusqu'à Feurs (la route de Vienne à Feurs passait par Dargoire) et jusqu'à Chazelles, leur résidence. La maison hospitalière de la Madeleine, près de la chapelle, appartient maintenant à la famille de Joseph Mouton. La cuisine antique est entièrement conservée et le portail porte le vieux blason : c'est l'explication de la bénédiction des routes de ce carrefour qui se fait le soir du haut de la colline et qui vient, à notre époque moderne, compléter la bénédiction des autos, faite à Saint-Jean.
La Chapelle de la Madeleine et la Maison hospitalière étaient séparées par un pré qui s'étendait au bas jusqu'au Gier et qui fournissait le foin pour le ravitaillement des mulets. Ce pré a été coupé par la nouvelle route de Lyon en 1879 et, dans sa partie inférieure, la plus grande, se tient toujours, de la Sainte Madeleine à la Saint Christophe, la très antique et célèbre foire dite ‘de la Madeleine’, qui était une succursale de celle de Beaucaire. Cela représente une affluence jadis considérable à la Maison hospitalière, sans parler du trafic de la vieille route de Lyon qui passait juste au nord de la Maison pour aboutir devant la Chapelle. La pente en a été adoucie en 1786 par un pont d'une seule arche. La même année, le 22 novembre, la Chapelle, pour cause d'excès commis par de mauvais sujets, fut interdite par Mgr de Montazet, et sa démolition ordonnée par M. de Lacroix de Laval, vicaire général. Cette décision ne fut pas exécutée et la piété des fidèles pèlerins fut plus forte que la décision épiscopale. En 1830, la Chapelle, délabrée pendant la Révolution, fut restaurée par M. Journoud, généreux chrétien de Rive-de-Gier, qui fit refaire les croisées du choeur et la toiture. Cette restauration ne dura pas très longtemps. La paroisse de Saint-Maurice, y voyant une concurrence, s’en désintéressa. La paroisse de Saint-Jean, créée en 1838, qui reçut et conserva canoniquement ce quartier pendant huit ans, n'avait pas les moyens, ayant une église à bâtir, de soutenir cette charge. Finalement, la Chapelle de la Madeleine, en ruines mais toujours visitée par les pèlerins, qui faisaient brûler des cierges dans les ronces qui l'envahissaient, fut non détruite mais ensevelie sous des déblais. Nous avons heureusement sa photographie et son plan. Le culte de Sainte Madeleine et de Saint Jacques fut transféré à Châteauneuf. A cette affluence considérable de pèlerins, d'acheteurs de la foire venus de toute la région et de très loin, des muletiers des mines se joignirent pour la grande fête patronale qui dure plusieurs jours, puis les ouvriers, puis les bateliers du canal dans le premier tiers du XIXe siècle. Ils avaient, à Rive-de-Gier, leur centre de ravitaillement, avec une immense écurie pour les chevaux de halage, dans une auberge qui prit l'enseigne de ‘la Pomme’, actuellement au Cercle de Saint-Jean. Ce contingent nouveau, à son tour, fêta Saint Christophe avec Saint Nicolas, puis ce furent les ouvriers constructeurs de la nouvelle voie du chemin de fer, lequel tua le trafic du canal. Saint Christophe de Châteauneuf adopta à nouveau les cheminots; et voilà pourquoi, du haut de la colline, dimanche prochain, aura lieu, en même temps que la bénédiction des routes, celle de la voie ferrée.
Châteauneuf est depuis longtemps un lieu de pèlerinage pour demander la pluie. Des paroisses entières comme St-Martin-la-Plaine, St-Maurice-sur-Dargoire, St-Didier-sous-Riverie y viennent en procession et leurs prêtres y célèbrent la messe. Avant la Révolution existait une curieuse cérémonie. La procession ‘pour demander la pluie’ allait de la Chapelle de Châteauneuf à celle de la Madeleine et traversait deux fois le Gier guéable ; on portait l’antique statue de Saint Christophe sur un brancard et, au passage du Gier, on la déposait au milieu de la rivière, dans le peu d’eau qui restait, pendant que prêtres et fidèles faisaient les prières liturgiques.
Cette antique statue en bois fut cachée pendant la Révolution et on ne ‘trempa’ plus Saint Christophe dans le Gier. Rendue au culte par un fils de celui qui l’avait cachée et gardée, habitant Trêves en 1870, elle fut installée dans l’église de cette paroisse qui ne put réussir, malgré tous les efforts de l’abbé Chavanne, curé de Trêves à cette époque, à détourner le culte de Saint Christophe de Châteauneuf.
Ces quelques notes seront sans doute agréables aux nombreux pèlerins qui, pendant les jours de la foire de la Madeleine et dimanche prochain, graviront la colline et prendront part à nos belles cérémonies. »
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« Bénédiction annuelle des automobiles à Saint-Jean.
La fête de Saint Christophe, patron de notre église de Châteauneuf et second patron de notre église de Saint-Jean, est l’occasion chaque année, depuis 9 ans, le dimanche de la Solennité, soit dimanche prochain 26 juillet, d’une double bénédiction solennelle, place St Jean sur le côté sud de la route de Lyon, des automobiles, cycles et tous véhicules : chars à bancs, voitures d’enfants, même le tramway. C’est chaque année un spectacle intéressant, et chaque année quelques journaux en donnent la photographie.
Il y a deux cérémonies semblables : la première à 6 heures précises, précédée d’une messe à 5h.15 : la deuxième à 10 heures précises, précédée d’une grand’messe à 9 heures pour les automobilistes et voyageurs et suivie d’une messe à 10h.15.
Les voitures se rangent sur la vaste place ; après la bénédiction collective, toutes les voitures font le tour de la place pour défiler devant le clergé qui bénit les voyageurs. ».
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En franchissant le Gier sous Châteauneuf…
Ces éléments étaient, comme nous le voyons, à la portée de tous lecteurs de ce journal. Nous relevons, dans ce texte, les fêtes votives de la Madeleine au pied de Châteauneuf et les saints personnages honorés à ces occasions, directement ou indirectement : St Christophe, Ste Marie-Madeleine, St Jean et St Jacques.
Nous reviendrons, au fil de prochains chapitres, sur ce qu’il convient d’appeler la Maison des Hospitaliers, surplombant le quartier de la Madeleine, mais aussi les différents gués de ce secteur, et enfin le lieudit ‘la Pomme’ ainsi que ‘le pont de la Pomme’ du quartier St Jean de Rive-de-Gier. Certes, on pourrait nous répliquer que ces thèmes sont hors le périmètre du Pilat puisque précisément dans la vallée du Gier. Cependant, nous maintenons ces choix en raison du fait que ce sont des endroits qui avaient un rôle dans le franchissement du Gier et l’accès aux voies et chemins utilisés pour accéder au Pilat. Ensuite, évidemment, nous reviendrons en détails sur le site de Châteauneuf, son passé, son rôle, ses ‘curiosités’, ses maîtres avant les de Roussillon, ainsi que Guillaume et Béatrix, fondatrice de la chartreuse de Ste Croix en Jarez.
Nous nous contentons cette fois d’aborder les quelques éléments concernant le franchissement du Gier vers l’antique chemin, disparu depuis 1750, qui conduisait à Trèves et, de là, à proximité du fameux arsenal de Béatrix qui intrigue tant de chercheurs incapables de le situer.
Ce vieil accès, par endroit établi en véritable ‘chemin creux’, était le seul permettant de rejoindre, jusqu’au 12e siècle notamment, deux mines de fer. C’est une de ces deux exploitations qui aurait pu être encore en activité au moins jusqu’en 1395 par les chartreux, comme en fait mention un acte de Ste Croix à cette date. Il semble cependant que le rendement ait été en s’affaiblissant alors que la demande de métal allait en augmentant de façon significative.
La Pierre Flage et une borne …
Toujours est-il que ce secteur dut être connu des romains et probablement bien avant, comme en témoignent quelques découvertes faites lors de défrichements, comme en fait état un échange de notes et courriers entre un maire local et un religieux de la paroisse de Rive-de-Gier. Non seulement les vestiges de l’antique chemin ‘creux’ sont encore visibles en deux endroits, mais on retrouve également des ‘abris sous roches’ et quelques points mégalithiques, certes de moindre importance que leurs frères plus connus du Pilat. Cependant, nous ne connaissons pas une autre pierre ‘sonnante’ comme celle connue (encore de quelques personnes âgées locales) sous le nom de ‘pierre Flage’, à peu de distance dans les taillis du vieux chemin, à environ 1 km de Trèves et proche de Cenna. Sur ces roches oubliées se lisent de nombreuses cupules et pétroglyphes sur lesquels nous ne manquerons pas de revenir prochainement en détail.
Pour l’instant, nous dirons que les franchissements du Gier devaient être strictement délimités et contrôlés depuis le Moyen-Âge puisqu’un habitant du hameau de ‘la Fléchette’ détient encore une ‘borne à chaîne’ fermant l’un de ces passages de rivière. Certes, on pouvait douter que ce genre de témoin, pas vraiment unique, provienne du secteur de Châteauneuf et de ces traversées du Gier. Cependant, nous avons la chance que soit restées, bien qu’un peu effacées par le temps, quelques gravures sur trois faces de la borne à chaîne. On y voit, sur un des côtés, l’obscur blason simplifié de Cenna. Sur un autre pan se dessine ce qui pourrait être une patte d’oie ou une sorte de trident. N’oublions pas, à ce propos, cette mystérieuse gravure, au fond du puits souterrain de Châteauneuf, représentant trois symboliques épis de blé. Si à ceci nous ajoutons la fête (sans doute antique et païenne) du blé, célébrée au pied de Châteauneuf pour la St Jacques, nous pourrions trouver ici matière à réflexion et… ‘du grain à moudre’ ! Enfin, sur la dernière, un lourd anneau de fer est encastré dans un visage d’animal, en relief, surmontant une mince croix pratiquement pattée. Sous cet ensemble se lisent des lettres et chiffres pouvant être :
+
+O+
ME FICT
FEYR CARDET
+
+CRISTO+
AS 1587 ST
*
Dès obtenue l’autorisation du propriétaire - dont le père en avait déjà fait communication au père Granjean - d’en produire des photos, nous donnerons une étude complète de cette borne ainsi que l’endroit précis où elle fut récupérée. Il y avait encore en 1957, près de ce lieu, les vestiges dévastés d’une sorte d’ancien oratoire funéraire (acte mars 1957 G. NATAULET -exploit déplacement-).
Béatrix et le triptyque…
Mais ceci est pour nous l’occasion, maintenant, de revenir sur Châteauneuf et sa dame la plus connue : Béatrix de Roussillon. Un premier chapitre, relatant en détails la légende de la fondation de Ste Croix, lui est consacré sur notre site Société Périllos. Aussi, nous nous contenterons de présenter une statue triptyque, peu citée jusque là, dont la rareté -cinq seulement pour cette région- mérite d’être soulignée, en plus du fait qu’il y ait de solides chances pour qu’il s’agisse probablement de la plus ancienne. Béatrix, selon la tradition, en aurait fait don au moment de prendre le voile des veuves… ce dernier et la statue auraient été bénits simultanément le 20 janvier 1278 par son beau frère, archevêque de Lyon.
On y voit Sainte Anne, tenant dans sa main gauche un livre fermé et portant la vierge Marie couronnée sur ses genoux. Cette dernière tient à son tour, également sur ses genoux, l’enfant jésus présentant un petit globe dans sa main gauche. On dit encore que Béatrix aurait voulu que les traits de son visage soit ceux de Sainte Anne, et que le vêtement de la sainte soit la fidèle reproduction de celui des dames de son époque et de cette contrée. C’est dire l’importance de cette représentation des plus rares.
Quant aux chevelures des personnages, on voit Ste Anne voilée entièrement y compris avec la ‘mentonnière’. La Vierge Marie est coiffée d’une couronne à six fleurs de lys. L’enfant a, semble t’il, les cheveux libres, longs et ondulés.
Le livre que tient Anne est non seulement fermé mais également clos par une ferrure…
En retournant la statue (avec d’immenses précautions et un profond respect !), on constate que la sculpture a été faite dans une seule pièce de bois et on trouve deux étiquettes collées : l’une, rectangulaire, est quasiment illisible ; celle d’en haut, ronde, porte le nombre ‘77’… qui est, sans doute, son identifiant dans le ‘classement’ du ‘musée’ de Fourvière.
On trouve également un piton métallique, sans doute prévu pour maintenir la statue contre le mur. Au dessus de celui-ci, la tête d’un clou très ancien apparaît… sans qu’on en comprenne l’utilité. Au haut de l’œuvre, deux trous (vers l’étiquette ronde) laissent penser qu’une autre fixation devait finir d’assurer l’ancrage et la tenue bien verticale. Le ‘banc’, sur lequel Ste Anne est assise, est creux. Si on peut supposer que le sculpteur ait voulu alléger son œuvre, on sait qu’autrefois cette cavité comportait d’importantes traces, vaguement rectangulaires, de cire jaunâtre avec des cassures nettes. Visiblement, il y avait quelque chose de fixé à la cire à cacheter dans ce creux qui alors devait faire office de ‘tombeau’ pour une relique par exemple. Mais, comme Béatrix vivait au moment de cette représentation, on peut exclure que la ‘mémoire’ lui soit attribuée. Il nous reste néanmoins l’hypothèse d’un vestige voué à Ste Anne, la Vierge Marie et… Jésus (éclat de bois de la ‘vraie’ croix par exemple). Il se peut aussi qu’il y ait eu autre chose de fixé dans ce creux, comme par exemple une petite capsule avec un contenu plus ou moins sacré, superstitieux ou… historique ! Ce qui est pour le moins curieux, c’est qu’en quelques années (nous n’avions pas revu cette merveille depuis près de 20 ans) tous les vestiges de la cire à cacheter aient disparu… Ce n’est, en fin de compte, pas très grave puisque nous avons d’anciens clichés où ce ‘détail’ se voit parfaitement…
Béatrix, après son retour des réserves du musée, prit place sur la cheminée de la salle des délibérations de l’ancienne mairie de Châteauneuf. Puis elle fut reléguée… dans un placard. Enfin, maintenant, elle préside, sur une cheminée de marbre noir, aux mariages, dans la superbe salle prévue à cet effet. Les nouveaux mariés ont-ils un regard pour cette dame fondatrice de la chartreuse de Ste Croix (du moins dans son seul aspect visible et extérieur !!!) ? Nous l’espérons… En attendant, elle repose, énigmatique et hautaine, en compagnie d’un imposant buste d’une Marianne ‘phrygiennement’ républicaine et de la statue de St Etienne. Ce dernier, ayant encore toute sa polychromie, porte les cailloux de son martyre (il fut lapidé) dans le pli de son manteau au-dessous duquel se cache sa main gauche. Une autre pierre sur sa tête suggère le supplice. Le personnage tient dans sa main droite, anormalement grande, un livre, aussi fermé.
Décidément, la statuaire de Châteauneuf ne laisse guère deviner le contenu de son savoir tenu fermé aux visiteurs.
Les merveilleuses réserves du musée de Fourvière…
Vers 1789, la sculpture disparaît, discrètement mise hors de portée par des mains pieuses, de la fureur révolutionnaire et ses brasiers… jusqu’en 1934 où elle sera retrouvée par le père Granjean. Il est des plus curieux d’apprendre que ce prêtre la récupère dans les réserves du musée de Fourvière à Lyon. Si certains attribuent cette ‘retrouvaille’ à la chance, nous émettrons, quant à nous, des remarques moins dociles. En effet, comment expliquer cet heureux hasard sans quelques ‘coups de pouce’, comme celui de remonter jusqu’à ceux qui vivaient un siècle et demi auparavant et qui, ‘sachant’ le pieux geste, en avaient soigneusement informé leur descendance à toutes fins utiles. Mais ceci ne nous suffit pas car même si Granjean put, par sa fonction de prêtre, ‘délier’ les langues et les mémoires, ce genre de ‘confession’ n’explique pas tout. En effet, il reste à savoir par quelle phénoménale providence cette vénérable statue fut retrouvée par les rabatteurs ecclésiastiques de l’évêché et dissimulée, car c’est le seul mot qui convient ici, dans les ‘réserves’ du musée de Fourvière. Et, ici, le seul fruit du hasard ne nous suffit pas comme explication. Nous ajouterons que, non seulement il fallait savoir où la récupérer, donc disposer d’informations précises, mais encore le faire discrètement… sans éveiller de soupçons ou bavardages, et ensuite porter beaucoup d’intérêt à ce précieux témoin d’une ‘autre’ histoire de cette région. Il serait, avant tout, indispensable que l’évêché ait su l’existence d’une statue sur un territoire qui n’est pas le sien (Loire et non Rhône), et lui porte une telle importante attention qu’il envoie ses ‘représentants’ pour une récupération quasiment clandestine. Ensuite, si l’on en croit le bon père Granjean - et pourquoi ne le croirions-nous pas - après toute cette opération ‘commando’, l’objet de tant de convoitise… est relégué dans ‘les réserves du musée de Fourvière’, comme une vieille chose sans intérêt. Il y a là de quoi s’interroger sérieusement. Mais ensuite, si l’on en croit le père Joseph Garlatti, la statue de Châteauneuf n’était pas le seul objet, en provenance de Châteauneuf, caché au moment de la Révolution. L’information que nous détenons fait mention, certes, d’un acte pieux ayant sauvegardé des témoignages religieux populaires d’un secteur du Pilat… Il est précisé, en outre, que la main qui mit à l’abri la statue et d’autres objets sacrés n’était pas celle d’un profane mais bel et bien d’un chartreux dont on nous a également donné le nom !
L’écrit de l’abbé Garlatti et le beau fruit
C’est précisément l’abbé Joseph-Marie Garlatti qui informa un prêtre du secteur proche de Rive-de-Gier de l’existence de la statue triptyque. Ce dernier confia l’information au père Granjean… au moment où il sut que celle-ci était à la veille (ou presque) d’être évacuée à destination d’horizons étrangers ensoleillés, où elle était destinée à une autre vénération plus… élevée ! Il est possible, selon cette source écrite provenant d’une cure de la vallée du Gier, que les ‘réserves du musée’ aient ‘échangé’ la statue de Béatrix contre le fait que le ‘reste’ ne soit jamais réclamé ! Il semblerait que la transaction ait bel et bien eu lieu… Nous disposons, heureusement, de la liste exhaustive du fameux ‘reste’ et il est bien possible qu’une partie d’une certaine affaire ‘Ste Croix’ puisse être éclairée sous un jour nouveau, difficilement contestable par les autorités et quelques habituels grincheux de service. Ces éléments très surprenants seront divulgués, le moment venu, dans une présentation de vulgarisation mise à la portée de tous, ainsi que sur nos sites. Pour ceux qui pourraient, innocemment, accéder à la statue et la retourner, ils devraient retrouver au dos son étiquetage dans les fameuses ‘réserves’ oubliées… On s’apercevrait, alors, qu’il est peu probable que l’image triptyque de Béatrix, Marie et Jésus, ait séjourné longuement, afin de discrétion, sous un tas de fumier comme le murmure la tradition populaire, avant de ressurgir à l’issue des ‘tenaces’ recherches du père Granjean… Il serait alors amusant de savoir à quel Ordre appartenait l’excellent abbé Joseph-Marie Garlatti… le seul à qui, en fin de comptes, nous devons ce retour prodigieux.
St Anne, Arques
Il reste à dire que cette œuvre du XIIIe siècle est encore polychrome, certes aux couleurs fatiguées et écaillées, au moment de son exil forcé… loin de sa chapelle natale. Curieusement, elle ressortira ‘couleur bois’ des oubliettes de Fourvière. Ensuite, il y eut, nous dit-on, une restauration qui a effacé toutes traces de polychromie, comme on le constate aujourd’hui. Ce n’est pas vraiment grave car nous pourrons, depuis nos informations, reconstituer, depuis un montage photographique, sa véritable coloration et ses écrits.
Il reste une dernière chose à ajouter concernant cette émouvante statue… ce sera de savoir dans quelle essence de bois elle fut sculptée. Sans doute, ceux qui suivent de près nos recherches auront-ils compris que Béatrix fut taillée dans du… poirier. « On voit un bon arbre à ses fruits… » dit le proverbe.
A propos de poirier et donc de… poires, nous ajoutons qu’il existe une autre, très ancienne, statue triptyque devant retenir tout notre intérêt dans l’affaire qui nous préoccupe. En effet, le visiteur attentif admirera une représentation triptyque similaire dans l’Aude, à Arques ! L’œuvre se trouve dans une chapelle latérale solidement sécurisée, en compagnie d’un grand tableau que nous intitulons, librement, ‘le petit Jésus à la poire’… Là aussi, nous voyons Ste Anne tenir sur ses genoux la Vierge Marie portant l’enfant Jésus. Précisément, nous retiendrons que les familles de Lupé (dans le Pilat) et celles d’Arques eurent des alliances pour le moins insolites… Il est donc tout naturel, en raison de nos recherches, que notre attention se tourne vers le savoir fermé d’une autre famille profondément impliquée dans une énigme phénoménale… les de Périllos (consulter sur le sujet le site SP) dont le blason s’orne précisément de trois poires !
André Douzet
Nous remercions le personnel de la mairie de Châteauneuf pour son amabilité, ainsi que Jérôme Fertier pour les anciens articles de journaux qu’il nous a transmis.

l'histoire insolite du Château des Loups


L’an 665
“Environ l’an six cent soixante cinq, un gentilhomme nommé Valdebert seigneur de Lupé (qui est un château et ancienne place du FOREZ appelé en latin Luponium) fort vertueux et craignant Dieu, grand ami de St Ennemond archevêque de Lyon fut mandé par ce saint pour le venir voir et le consoler dans les grandes persécutions que lui faisait Ebroin...” Ce texte de J. Marie de la Mure, traduit en 1674, relate un évènement remontant au 7ème S. et fait état de l’importance des seigneurs de Lupé.
Le Loup pour arme parlante
Les Lupé sont une des rares familles de France à porter dans leur blason le symbole du Loup (Lupus). Déjà Paradin dans “Histoire de Lyon” nomme le site “Villam Lupoïcum”, soit “Villa du Loup”. Nous ne ferons, ici, qu’aborder sommairement le symbolisme du loup. Disons d’abord que le loup est la lumière, le soleil, le guerrier et l’ancêtre mythique. Grecs et Nordiques sont en accord sur ce point. Retrouvons pour mémoire la femelle loup de Monnolycée, nourricière de l’Achéon... aussi le vêtement de peau de loup couvrant Hadès roi des enfers... Le dieu de la mort des Etrusques, avec ses oreilles de loup... la résurrection d’Osiris sera prévue sous la forme de cet animal (Diodore de Sicile)... Zeus prend les traits du loup pour recevoir les offrandes destinées à faire venir la pluie...
La vieille famille de Lupé
Le document le plus ancien faisant état de cette famille remonte à 662 ou 665 et est cité, ci-dessus, par J.M. de la Mure. D’autres écrits montrent l’importance des Lupé qui entretiennent leur propre armée. Ils sont en outre conseillés auprès des rois et des princes en place qui les appellent “Cousin”... Fait très rare, au combat ils marchent même devant l’oriflamme des rois, ce qui fait d’eux une des premières et des plus anciennes noblesses de France dont l’origine serait la lignée directe de Mérovée! Cette importance se maintiendra jusqu’au règne de Charlemagne. A ce moment Lupé semble jouer un rôle capital pour une opération sur laquelle nous possédons peu d’éléments. Nous savons seulement que le château abrita un dépôt extraordinaire.
Les Falatier et la grande Ourse
Château de Lupé
Au Xe S. la famille de Falatier prend possession des domaines de Lupé. C’est à ce moment que le château prend la forme de base que nous lui connaissons. Certains écrits, dont ceux de G.M. de Waldan, relatent que les tours du bâtiment principal et les tourelles de l’enceinte secondaire auraient été implantées selon la projection de la Grande Ourse... avec pour axe principal l’étoile Polaire. En ce cas nous remarquons que le plan du corps d’habitation seigneurial reproduit un polygone à 7 côtés!
... Sous l’autorité des Templiers!
- Fin de l’an 1274, le pape, le roi de France, l’archevêque de Lyon et l’évêque de Vienne séjournent à Lupé sans que l’on ne sache vraiment le véritable motif de cette visite inhabituelle et sûrement capitale pour justifier un tel déplacement qui devait demander une solide intendance!
- Guigue de Falatier et ses fils font partie des derniers renforts envoyés sur ordre royal aux derniers croisés retranchés dans St Jean d’Acre... sous les ordres de Guillaume de Roussillon, leur voisin de pays et époux de Béatrice, fondatrice de la Chartreuse de Ste Croix. Seul Guigue reviendra de ce désastre suicidaire. Notons au passage que la mission de cette ultime expédition sans espoir était de se mettre sous l’autorité des Chevaliers du Temple... “à seule fin de sauver de l’essentiel ce que peut”; On peut encore se demander de quoi se composait cet essentiel?
Alliance avec la maison d’Arques
Château d'Arques (Aude)
Puis le domaine de Lupé passe, par alliance aux de Gaste.
Un fait très curieux sous cette famille mérite que l’on s’y arrête. Nous sommes à une époque où la chute du Temple est consommée. Pourtant un document atteste une transaction, passée au Puy-en-Velay, entre Guillaume de Gaste et les templiers de Marlhette (l’unique maison forte du Temple dans le Pilat). Si une transaction n’a rien d’extraordinaire, précisons que le document est daté de 1339. A cette date nous sommes obligés de souligner que l’ordre du Temple est suspendu depuis 1312... date du concile de Vienne, justement au pied du Pilat!
Les de Gaste détenaient le droit de haute et basse justice, par faveur royale, par le seul fait d’être seigneurs de Lupé!
Autre fait insolite: la double alliance entre les de Gaste et les de Joyeuse.
- Anne de Gaste épouse François de Joyeuse.
- Claude de Gaste (frère d’Anne) épouse Françoise de Joyeuse, tante du cardinal de Joyeuse.
Rappelons que les de Joyeuse étaient seigneurs d’Arques, près de Rennes-le-Château. Pourquoi une double alliance sur le frère et la soeur avec les seigneurs d’Arques... dont les domaines sont à plus de 500 km et donc sans espoir d’extension de territoire solidaire et tenant? A moins, et cela semble évident, qu’il n’y ait une exigence majeure et impérieuse justifiant une telle alliance. Ce dut être le cas, mais pour quelle raison?
L’énigme des Urfé
De l’union de Claude de Gaste et de Françoise de Joyeuse naîtront 4 enfants. L’un d’eux, Marguerite de Gaste, sera chantée par Anne d’Urfé qui en était follement épris.
Les Urfé, dont le nom dérive des Ulfe et des Wulff... encore des loups, mais germaniques cette fois!
Honoré d’Urfé écrira “L’Astrée” dont tant de passages se rattachent aux loups, déguisés ou non: les Volques Tectosages, Lycidas, Olympe fille de Lupeandre... identifiée à Marguerite de Gaste Lupé! A la lecture de L’Astrée il est indéniable que la famille d’Urfé ait été en possession d’un très haut niveau initiatique apprécié d’autre part par ceux qui fréquentaient le lieu.
19 décembre 1598. Catherine de Millon, dame de Lupé, épouse Rostrale du Baume Comte de Suse. Elle négociera avec Polycarpe de la Rivière, prieur de la chartreuse de Ste Croix (construite par Béatrice de Roussillon) pour le rachat à prix d’or de “Fief Lacombe”. En vérité, sur ce lieu aurait été ouvert un puits de mine pour en faire extraire du plomb... par des ouvriers qualifiés venus expressément d’Allemagne! Ces faits sont confirmés par Blumenstein chargé, sur ordre royal, d’estimer les mines cartusiennes en 1741. Blumenstein travaillait au même moment pour les Urfé. Ajoutons enfin que la mine de “Fief Lacombe” s’appelait “Trou du loup”!!!
Le temps des Loups et des Louveteaux
Sur un courrier adressé à Polycarpe Catherine de Meuillon confie, pour justifier l’achat impératif de cette terre: “ le temps des Loups tout proche et les Louveteaux en le pays...” De quel temps et de quoi est-il question dans cette phrase que le prieur semble très bien comprendre? En outre “Louveteaux” (avec une majuscule) s’appliquera, plus tard, aux membres d’une société très “discrète”, qui aura aussi, en son temps, des intérêts dans une partie de cette énigme.
Territoire de Lupé (Loire)
Le prieur Polycarpe
Au moment des faits il est prieur de la chartreuse de Ste Croix très proche de Lupé. Son nom de chartreux est Polycarpe de la Rivière, mais sa véritable identité est une énigme que personne n’a pu résoudre à ce jour. On sait seulement qu’il est d’origine noble de haut rang. Il est éduqué et instruit, de 1586 à 1605, justement à la cour d’Urfé, au château d’Usson (même orthographe que celui des Corbières) où était hébergée, pour raison de sécurité, Marguerite de Valois. Au départ de cette dernière “on” lui conseille vivement d’entrer dans l’ordre des Chartreux où il sera presque aussitôt admis au grade de prieur, ce qui est une exception remarquable.
Un “thrésor inestimable...”
Dès son arrivée à Ste Croix, Polycarpe aurait mis à jour subitement ce qu’il décrit comme un “thrésor inestimable” qui lui aurait permis de financer la reconstruction presque totale de cette chartreuse... après en avoir détruit une partie et modifié considérablement l’axe principal. Il prendra soin de sauvegarder les détails les plus hautement hermétiques et symboliques. Il semblerait qu’il ait surtout mis à jour des documents qui lui permettraient d’écrire une nouvelle généalogie des rois de France et une “véritable histoire des origines de la religion”. Le tout sera fermement censuré par le Vatican avec interdiction d’aller plus avant dans cette grave “hérésie criminelle”. Cette mise en garde sera assortie de fermes menaces d’emprisonnement et d’un procès par l’inquisition. Une telle mesure pour dissimuler quelle formidable vérité ?
Il aura le temps de commencer son oeuvre forte de plus de 2000 pages manuscrites... sur une desquelles, d’ailleurs, il recommande vivement la restitution à un certain “Roy Denys” d’un certain “fabuleux thrésor”...
Les modifications de Philibert Delorme
A Usson Polycarpe rencontra forcément un autre érudit, ami d’un certain Nicolas Poussin et d’un certain Charles Perrault, le célèbre architecte Philibert Delorme... qui, durant les travaux de Ste Croix, modifiait considérablement certaines parties souterraines, et de surface, du château de Lupé: démolition de l’ancienne entrée, les défenses secondaires, comblement des douves au niveau des souterrains et une partie de la cour intérieure... effaçant ainsi, à jamais, le tracé de la constellation de la Grande Ourse et l’axe sur la Polaire.
Vue de la salle innondée sous le château
Un lieu très ancien
Mais si les structures du château subissaient des modifications importantes, les accès extérieurs et la topographie restaient inchangés et chargés d’un mystérieux passé mégalithique, druidique aux consonances particulièrement symboliques: Belin, le Plat-Belin, l’Ermitage, Sallecroix...
Lupé (42) est au sud-ouest de Vienne (38), au-dessus de St pierre de bœuf et peu avant Maclas. Les vestiges que l’on trouve encore dans le village attestent de l’importance des anciennes fortifications exceptionnelles en ce lieu. Une des premières portes de la Provence, Lupé défendait et verrouillait la voie antique remontant sur la Haute-Loire.
Encore l’ordre du Temple!
L’Ordre du Temple utilisait régulièrement ce cheminement pour véhiculer discrètement, en toute sécurité, l’argent, le plomb et l’or provenant de ses mines du secteur de Bourg-Argental... et d’autres étranges métaux aux effets moins métalliques que spectaculaires, peu connus pour l’époque, tel que des minerais un peu radioactifs... comme le prouve la fameuse coupe “d’Embertauld” que la commanderie templière de Marlhette semblait détenir jalousement!!! L’objet disparaîtra avant l’arrestation des Templiers. Si on dit qu’elle stationna, en toute sécurité et discrétion, dans les murs du château de Lupé, on ajoute qu’elle donnait la possibilité de tuer par étranges brûlures... ou au contraire soigner miraculeusement des maladies irrémédiables, selon le côté ou l’on conseillait de poser les lèvres.
Marie-Madeleine et la maison oubliée
Le pentacle sur la fenêtre (Champailler)
Du château part un chemin bien innocent. Il serpente de hameaux en fermes, tous et toutes appartenant aux Lupé, jusqu’à une chapelle Ste Marie-Magdeleine. Suivons le sentier et passons “la Pierre des Morts”. Nous arrivons au hameau de Champailler. Ici le temps s’est arrêté. Il restait là une énorme bâtisse ancienne percée d’ouvertures du plus pur style gothique. L’une des fenêtres s’ornait d’une sculpture étrange prise dans un pentagone. A l’intérieur trois formes: une silhouette anthropomorphe et cruciforme constitue une sorte d’axe. De part et d’autre deux êtres plus petits équilibrent l’ensemble. Celui de droite agenouillé tendant bras et mains touche la croix. Le trait de son vêtement symboliserait une femme. A gauche le second personnage ne touche pas la croix, les traits dans son dos présentent des ailes d’ange.
Ce qui était caché!
Mais le plus curieux était à l’intérieur. En vérité ce bâtiment en contient un autre plus petit qui s’y imbrique comme une sorte de ‘poupée gigogne’. Une sorte d’étui défiant à la fois le temps et la vue du simple passant. Ce qui était l’entrée principale de cette maison intérieure s’encadrait de sculptures gothiques intactes extrêmement riches de symboles ésotériques: croissants, pyramides tronquées... le tout s’achevait sur une croix potencée désaxée ostensiblement de 7 à 8 degrés. Cette dernière surmontait ce que l’on pouvait prendre pour une fleur de lys et qui était en vérité un pique de gardian... tel que l’on peut en voir aux Stes Maries de la Mer... A l’intérieur du bâtiment les clichés infra-rouges laissent apparaître plusieurs cavités obstruées.
Dans ses écrits Jean-Marcel Blandenct (1876) affirme que cette construction défendait le chemin de Ste Madeleine. Si l’épaisseur des murs confirme cette affirmation, l’intérêt visible du lieu ne justifie en rien un système de défense de cet ordre mis en place pour défendre un étroit chemin de montagne oublié ne desservant qu’un modeste lieu de pèlerinage annuel et localisé. A moins que l’écrin ne soit à la hauteur du joyau qu’il était chargé de protéger?
N.B. Le lecteur constatera que le temps utilisé pour ce chapitre est l’imparfait... Car depuis quelques temps tout été détruit à l’intérieur du bâtiment... Mais nous savons un dossier complet, relevés et photos, en sûreté.
Une chapelle et un tableau pour Bérenger Saunière
Après cette étrange halte, poursuivons le périple par des lieux dont nous retiendrons les noms: “Le Purgatoire”, “Le Paradis”, “L’Ermite”, “L’Enfer”... Nous arrivons enfin à “La Trève du Loup” et au but, sans issue, de notre cheminement: la chapelle Ste Madeleine. Là encore le petit édifice dénué de style ne justifie toujours pas un tel luxe de protection. Seul à l’intérieur un tableau peut retenir le regard. Il s’agit d’une représentation de Marie-Madeleine... dont nous avons la preuve qu’elle servit de modèle à Bérenger Saunière pour la peinture son maître-autel!!
La pauvre chapelle fut victime de plusieurs pillages. Etranges pillards qui se contentèrent d’un ex-voto... de vieilles pierres sans intérêt! Voleurs sans connaissances ou... amateurs avertis? Avertis et même très bien, c’est sans doute ce que furent les derniers pillards car le tableau de Marie-madeleine fut volé à son tour il y a peu de temps après des difficultés incroyables.
Le tableau volé de Marie Madeleine
Galeries souterraines et menaces
Le petit hameau se trouvant juste avant la chapelle fut le lieu de bien curieuses recherches. Il était dit que ce lieu était le départ de plusieurs galeries souterraines. Au début du siècle l’un des boyaux fut retrouvé et dégagé. Un ancien paysan ayant vécu ici se souvient, qu’enfant, son père parlait d’abord de la visite de deux prêtres, puis de plusieurs “Messieurs” qui l’embauchèrent pour dégager l’accès à la galerie. Ceci fait, il le prièrent de ne plus remettre les pieds ici en raisons d’émanations et de risques d’effondrements... mais y travaillèrent 2 jours durant, et firent tout écrouler avant de quitter le lieu. Les étranges terrassiers avaient mis à jour une sorte de “caisse à poignées et plusieurs paquets d’écrits en tubes” qu’ils déclarèrent sans la plus petite valeur à l’habitant du hameau...
Le secret de la Division Charlemagne
Mais revenons enfin au château de Lupé... qui aurait abrité deux illustres personnages: François Rabelais et... Michel de Nostredame. Peut-être y étaient ils venus trouver quelques gouliardises?
-Enfin Lupé s’apprêtait à vivre son épisode le plus obscur. C’est en effet dans ce château, sous l’impulsion de Mgr Mayol de Lupé que s’organisait puis naissait la tristement célèbre division S.S. “Charlemagne”!
Le projet de cette division prévoyait de réunir sous cette “bannière”, après guerre, une aristocratie dont le but inavoué et “souterrain”, était ni plus ni moins que la tentative de reconstitution du Saint Empire Germanique. Mgr Mayol de Lupé était Grand aumônier de cette division Waffen-SS dont le numéro était le 33!!!
On est en droit de se demander pourquoi cette “création d’exception” au château de Lupé, et en aucun autre endroit, perdu, oublié, sans plus d’éclat, ampleur ni célébrité, et ne correspondant pas, du moins visiblement et extérieurement, aux habitudes et impératifs militaires nazis?
Ces derniers se comportèrent très discrètement dans le village... presque clandestinement pourrait-on dire. Et puis il y eut ces topographes allemands qui accompagnant les officiers allemands, pour exécuter des relevés et mesures étranges, dans certains lieux alentours du château. On dit encore que des historiens et des experts en archéologie, acquis à la cause des Nazis séjournèrent aussi dans les murs du château. Pour s’y livrer à quelles recherches?
Enfin ne pourrait-on pas rapprocher ces travaux, inhabituels pour des guerriers de l’absolutisme, d’un certain Otto Rahn qui ne manqua pas de venir séjourner ici avant de descendre plus vers le Sud, Montségur et Montréal-de-Sos.
Des découvertes et un puits
Il y a moins de 10 ans, des travaux importants de réhabilitations furent conduits dans le château de Lupé. Des gravures, des peintures se trouvèrent remises en valeur. Des documents concernant des travaux très anciens seront retrouvés à cette occasion... entre les poutres des plafonds... afin que la poussière ne tombe pas! Nous dit-on avec le plus grand sérieux!!!
Avec les S. Pompiers la descente dans les puits
Puis encore, une représentation en peinture murale discrète (17ème S.) représentant un château et ses terres fut nettoyée et étudiée. Elle ne représentait pas Lupé ou un propriété connue appartenant au domaine des familles du château. Certains experts y auraient reconnu la reproduction d’un ancien domaine du secteur roussillonnais!
Enfin le 15 janvier 1988, avec l’autorisation des propriétaires et l’aide des Sapeurs Pompiers, avait lieu la descente dans le grand puits de la cour rénovée par Philibert Delorme. Ce que l’on croyait, d’en haut, être un puits, ne l’était en vérité que par sa margelle et sa descente. Plus de 10 mètres plus bas, la cavité vidée par les puissantes pompes de secours, était en réalité une ancienne salle voûtée avec un accès aux très anciennes “parties basses” de l’antique château. Des parties murées partent dans deux directions. Une des maçonneries semble plus récente et comporte quelques signes anciens symboliques et runiques en teinte ocre sombre. Pourquoi et pour qui Philibert Delorme préserva-t-il cette section souterraine des époques wisigothes... que les nazis ne pouvaient ignorer venant ici en toutes connaissances de causes ?
Lupé n’a sans doute pas encore délivré l’intégralité de ses secrets et quelque part aux tréfonds de ses murailles séculières reposent encore, sans doute, bien des éléments de la grande tradition...
André Douzet

De Rennes-le-Château au Pilat

Il y a dans l’église de Rennes-le-Château, un message bien en vue, un message que Bérenger Saunière a signalé à notre attention en y travaillant lui-même, puisqu’il serait l’auteur, dit-on, des peintures qui le décorent. Le lecteur aura compris que nous voulons parler de la représentation de Marie-Madeleine placée sur le devant de l’autel, dans l’axe de l’allée centrale.
“per magdalenae lacrymas”
C’est une représentation traitée en bas relief, Marie Madeleine est agenouillée, mains croisées, au pied d’une croix rustique, composée de deux rameaux de bois vert, mal ébranchés, liés par un noeud. Une grotte sombre sert de cadre à cette scène. Il s’agit d’une représentation classique de la sainte. La grotte est celle où elle vint finir ses jours, si l’on en croit la légende, à la Sainte-Baume.
Les autres éléments sont aussi les attributs habituels de Sainte Marie Madeleine: le livre est l’évangile dont elle médite l’enseignement, le crâne pourrait être celui de Jacques le Majeur, l’une des reliques apportées de Palestine par les “Saintes Maries de la mer”. Traditionnellement ce crâne à le faciès d’un homme du “magdalénien”. Toutes les représentations de Marie-Madeleine sont à peu près identiques.
Concernant Rennes-le-Château, il y a encore dans l’église une statue de la sainte qui reprend les mêmes attributs: croix de bois vert mal ébranché, crâne humain, vase, et livre ouvert ...

La région du Pilat
Avant d’aborder le message caché dans le bas-relief, il nous faut essayer de nous mettre à la place de Béranger Saunière au moment de la mise à jour de son “secret”: quelles pistes s’offraient à lui, et où le conduisaient-elles? Nous savons que notre curé ne resta pas centré sur Rennes-le-Château mais voyagea beaucoup... Il avait donc sûrement plusieurs filons à explorer...
Autant le dire tout de suite; deux pistes nous ont conduit dans une région montagneuse du Massif Central, le Mont Pilat. Ce secteur constitue la pointe nord-est de la chaîne des Cévennes, il est bordé par le Rhône à l’est, et par le Gier au nord, avec un point culminant à 1434m. C’est une frontière naturelle et géographique, limite à l’époque romaine entre trois provinces: l’Aquitaine, la Lugdunaise, et la Narbonnaise. C’est aussi un carrefour où se côtoyèrent plusieurs influences, tant au niveau linguistique (limite entre les parlers d’Oc, d’Oil, et Franco-Provençal), que cultuel ou architectural.

Razès et Pilat
Et, enfin, si le Pilat parait bien loin de Rennes-leChâteau, cette montagne marquait encore la limite territoriale du Languedoc, auquel appartient le Razès. Jadis, c’était la même province. Et tout comme le Razès, le Pilat était autrefois sauvage et désertique; on y trouve justement plusieurs lieux-dits “les Razes” ou “le Raza”, dont l’étymologie est identique à celle du Razès: terre “rase”, désertique... Pays de légendes aussi, le Pilat possède de multiples traces de son passé, de l’époque mégalithique, ou du Moyen-âge qui le vit occupé par les châteaux forts des familles nobles ou par les monastères des ordres religieux. Le Pilat qui possédait des vallées particulièrement reculées vit l’une d’elles servir de cadre à l’implantation d’une chartreuse, Sainte-Croix-en-Jarez, dont nous aurons à reparler...
Et puis il ne faut pas oublier que la Tradition explique que l’origine du mot Pilat vient du fait que Ponce Pilate, rongé de remord, cantonné à Vienne (?) “aurait cherché le pardon” dans le massif du Pilat... et on est en droit de se demander pourquoi justement en ce lieu? Pour les uns il s’y serait suicidé en se précipitant dans le gouffre de la source du Gier. Pour d’autre il y aurait trouvé “expiations” et aurait poursuivi son chemin jusqu’au Pilat... en Suisse!
Comment sommes-nous arrivés jusqu’au Pilat? Nous devons avouer que nous en avions une forte connaissance préalable, et que depuis longtemps nous avions été saisis par la similitude existant entre le tableau ornant une chapelle du Pilat et le bas-relief de la Madeleine à Rennes-le-Château. Restait à trouver le lien, si lien il y avait, entre les deux... Quels éléments auraient attirés Bérenger Saunière en ces lieux, Quelles pistes aurait-il suivi? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre maintenant.

La piste des ours
Nous partirons d’une première hypothèse: le “secret de Rennes-le-Château” est lié à Marie-Madeleine, dont Bérenger Saunière aurait découvert le refuge. Le prêtre qu’était Saunière connaissait forcément la vie des saints et leurs lieux de pèlerinage. Il savait que des reliques de Sainte Marie-Madeleine étaient vénérées en Bourgogne à l’abbaye de Vézelay.
Nous partirons du principe que le refuge renfermait aussi certaines “informations”. Saunière pouvait espérer trouver d’autres parcelles du “secret” en suivant la trace du comte Girard de Roussillon. Bref rappel: c’est ce personnage qui installa au Vézelay les reliques “d’une” Marie-Madeleine, qui ne pouvait pas venir de la Sainte-Baume mais plutôt d’un refuge dans les Corbières...

Les de Roussillon
Qui était Girard de Roussillon? Comte de Barcelone, de Narbonne, de Gascogne, d’Auvergne, de Provence, puis de Bourgogne, il est originaire du Languedoc et ses exploits valeureux en firent le héros de plusieurs “chansons de gestes”. Tous les noms de lieux “Roussillon” dérivent non pas d’une particularité géographique ou géologique “rousse”, mais d’un nom d’homme ou de famille. La province du Roussillon doit son nom à la ville morte de Ruscino, qui elle-même dérive du nom de ses fondateurs Roussillon, ou Russéolus, déformation du nom primitif Urséolus ou Ursus (ours en latin).
Ursus, dernier nom de la généalogie mérovingienne, hélas trop douteuse des “parchemins” de l’affaire de Rennes-le-Château...
La famille de Roussillon se disait “fille de la lune”, tout comme les Mérovingiens se prétendaient “fils des étoiles”... Mais n’oublions pas que la déesse lunaire Artémis, souvent accompagnée d’un ours, se confond avec Marie-Madeleine qui vécut “comme un ours” dans une grotte désignée par une étoile. En extrapolant, “fille de la lune” pourrait devenir “fille de Marie-Madeleine”...

Gérard de Roussillon
Gérard de Roussillon s'oppose, en 870, à Charles le Chauve. Acculé par son armé, il quitte la ville de Vienne (Isère) et se réfugie en une forteresse proche, probablement dans le Pilat. Mais il finit par se rendre... Le roi le laisse partir en exil... Fin de la chanson.
Au XIe S. les Roussillon réapparaissent sur leurs terres du Pilat. Détail curieux: ils entretiennent le culte de Marie-Madeleine et une chapelle Sainte-Madeleine qui appartenait à leur fief de Châteauneuf, près de Rive-de-Gier, possédait les reliques de Saint Lazare, le frère de Marie-Madeleine ressuscité par Jésus, qui aurait débarqué en même temps qu’elles. Par quelle suite de “hasards” ses reliques arrivèrent-elles dans le Pilat?
Béatrix et Marie-Madeleine
Au XIIIe S. leur descendant Guillaume de Roussillon meurt aux croisades. Il lègue à sa veuve Béatrix le manoir de Châteauneuf.
Elle y mène une vie de prière, et voit une nuit, en songe, une croix de lumière entourée d’étoiles. C’est le début d’un récit merveilleux. Dès le lendemain matin Béatrix part à cheval avec sa suite à travers la montagne. La vision se manifeste à nouveau, mais réellement: une croix entourée d’étoile, dont l’une plus grosse et plus brillante. Guidée comme Marie-Madeleine par cette étoile, Béatrix de Roussillon arrive en un lieu où elle fondera la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez. Elle obtient le privilège d’y finir ses jours, cloîtrée dans un petit appartement attenant à la chartreuse, et ne communicant avec celle-ci que par une étroite archère lui permettant seulement d’entendre, sans les voir, les offices religieux. Tout comme Marie-Madeleine, vit seule et mène une vie d’ermite. Plusieurs fois par jour des anges ravissaient Marie-Madeleine et lui faisaient entendre un concert céleste de même plusieurs fois par jour Béatrix peut entendre le chant des pères chartreux, lors des nombreux offices quotidiens! La comparaison, troublante, révèle le culte que Béatrix devait à la Madeleine.

Une croix de bois vert
Si Bérenger Saunière a suivi la piste des Roussillon, la “piste des ours”, il a du pour cela étudier la généalogie de cette famille et descendre jusqu’à Béatrix, ce qui a pu l’amener tout droit à Sainte-Croix-en-Jarez... Dans l’ancienne chartreuse furent découvertes en 1896 des peintures murales du XIVe S., dont un “crucifiement” qui présente la singularité de montrer Jésus en croix... de bois vert mal ébranché! C’est à notre connaissance le seul exemple de cette scène où la croix n’est pas un bois de charpente. On peut voir aussi sur la même peinture Marie s’évanouissant de douleur dans les bras des “Saintes Femmes”, à savoir Marthe et Marie Madeleine, laquelle jette un dernier regard empli d’amour et de désespoir en direction de Jésus. Au pied de la croix un vase recueille le sang du Christ.
De l’autre coté l’apôtre Jean tient un livre... fermé. Un tableau peut en cacher un autre: si on isole tous ces éléments, il ne reste plus que Marie-Madeleine, une croix de bois vert mal ébranché, un vase, un livre, soit la représentation classique de la sainte. Il ne manque que le crâne, invisible mais pourtant présent puisque le calvaire fut planté sur le Golgotha ou “mont du crâne”...

Un rare symbole
C’est en 1896 aussi que Saunière restaure son église et y place deux représentations de Madeleine, avec la même croix de bois vert... Hasard? Mais il place aussi à l’entrée de l’église deux formules latines ‘in hoc signo vinces” (par ce signe tu vaincras) et “lumen in coelo” (lumière dans le ciel. La première s’applique à l’empereur Constantin, qui vit apparaître une croix lumineuse, la seconde au pape Léon XIII, dont le blason s’orne d’une étoile. ou allusion à la vision de Béatrix de Roussillon?
Guillaume de Roussillon laissa t’il à la garde de son épouse des “éléments” concernant Marie-Madeleine? Celle-ci légua t-elle ce “dépôt” aux chartreux de Sainte-Croix, qui l’auraient signalé par de curieux détails dans les peintures murales? Au XVIIe S. intervient dans l’histoire du monastère un prieur énigmatique: Dom Polycarpe de la Rivière... Enigmatique car on ignore tout de ses origines, bien qu’il se dise natif de Velay, et on ignore tout de sa “fin” puisqu’il disparaît mystérieusement lors d’une cure dans le secteur de Ballaruc... près de Montpellier. C’est du moins dans cette région que l’on perd sa trace.

Origine royale et religieuse
Erudit, auteur de nombreux ouvrages, il entreprend à Sainte-Croix de vaste travaux et met, semble t’il, à jour un dépôt plus spirituel que matériel. Il est ensuite nommé prieur de la chartreuse de Bordeaux, puis de Bompas en Provence près d’Avignon.
C’est là qu’il commence la rédaction d’un vaste ouvrage sur l’histoire de l’Eglise dans la région d’Avignon, comprenant le diocèse d’Aix-en-provence dont dépend... la Sainte-Baume. L’ouvrage sera interdit par le Vatican... Dom Polycarpe possède-t-il des sources d’information particulières sur Marie-madeleine? On sait qu’il écrivit un livre formidable sur Marie Madeleine et les sept dormants d’Ephèse. Il précise que cet ouvrage contient des informations inédites sur la fin de Marie-Madeleine ainsi que sur d’autres aspects de ce culte et ses dérivés. Cet écrit est pratiquement introuvable aujourd’hui... sauf dans une collection privée de la région du Roussillon... C’est encore Polycarpe qui assura qu’Avignon avait été fondée par saint Ruf, premier évêque de Tortosa (Espagne). Or cet évêque se nommait en réalité... Ursus! La lettre “S” s’écrivait jadis d’un façon presque identique à la lettre “F”, RUF pourrait signifier RUS. Est-ce un “jeu de mots” de Polycarpe pour signifier le passage de URSUS à RUS... première syllabe de Russeolus ou de Ruscino?

La société des anges
Polycarpe de la Rivière appartenait (deux écrits restent dans ses archives) probablement à la “Société des Anges” ou “Société Angélique”, à laquelle était également affilié, et en même temps, Nicolas Poussin... Deux siècles plus tard, on retrouve cette société en filigrane dans l’affaire de Rennes-le-Château! On sait aussi de source sûre que Polycarpe correspondait avec une confrérie Gouliarde, donc il ne pouvait être qu’habitué à manipuler la “Langue des Oiseaux”... dite “des initiés”!
L’abbé Gélis, de Coustaussa, village situé face à Rennes-le-Château, au courant sûrement de certains secrets, est assassiné; on ne retrouvera jamais le coupable mais seulement, en guise de signature, l’inscription “Viva Angélina”. Sa tombe, tournée vers Rennes-le-Château, s’orne d’une rose stylisée ayant une croix en son centre.
Face au Pilat est le village de Saint-Andéol-le-Château, où les Chartreux de sainte-Croix avaient quelques possessions: on y retrouve un symbole identique, sur une tombe anonyme du cimetière... on sait aussi qu’un écrivain du nom de S. U. ZANNE vint y écrire un étrange manuscrit sur... les anges! Cet écrit est aujourd’hui, curieusement, pratiquement introuvable et sans dépôt légal. Un exemplaire existait de manière formelle dans la même bibliothèque que les travaux de Polycarpe.
Si la “Société Angélique” a suivi, mais dans l’autre sens, la piste des Roussillon, c’est peut-être ce qui l’a conduite dan le Razès...
Ajoutons que l’un des nombreux manuscrits de Polycarpe de la Rivière parle d’un mystérieux trésor et conclue par cette phrase en guise d’avertissement: “Rendez au Roy Denys le Thrésor d’or que vous avez trové”. “Rendez au roi” se dit, en latin, “Reddis Regis”...

La piste des loups
Deuxième hypothèse: le “secret” est lié à la généalogie des Mérovingiens (les deux théories ne sont d’ailleurs pas incompatibles). Le problème du fameux “troisième parchemin” n’est toujours pas résolu, et ne le sera sûrement jamais: tout est-il faux, ou Bérenger Saunière a-t-il vraiement découvert une généalogie mérovingienne, mais différente de la généalogie “romanesque”?
Si nous évoquons la charte d’Aaon qui reconnaissait une origine mérovingienne à plusieurs familles. Parmi celle-ci était la famille LUPPE qui prétendait, documents à l’appui, être du sang de Mérové lui-même.
Notons cette remarque en aparté: L’Eglise connaît un saint Ours et un saint Loup, ce dernier succédant au premier à l’évêché de Troyes. Si le prénom Loup est toujours à la mode -on connaît plusieurs Jean-loup- personne ne se prénomme Ours!
Si bérenger Saunière s’intéressait à la descendance des Mérovingiens, il n’a pas manqué de chercher ces “Luppé”. Les autres famille (les Montesquiou, les Gallard, les Comminges, les Gramont) sont connues et répertoriées dans “l’armorial des principales maisons du royaume”, il n’en est pas de même pour les Luppé. Or il n’y a que deux lieux portant ce nom en France: Lupé dans le Gers, et Lupé... dans le Pilat! Et le château de ce village fut bien la demeure d’une famille du même nom... (dans Luppé le doublement du P n’est qu’une “variante intensive” de Lupé).

Une étrange maison oubliée
Laissons maintenant Pélussin et suivons le sentier.
Après avoir passé la “Pierre des Morts” nous parvenons au hameau de Champailler. Ici le temps semble s’être arrêté: silence et pierres.
Le promeneur non averti fera une courte halte, près de la fontaine sortant d’une grosse bâtisse, et puis poursuivra son cheminement. Nous allons y regarder ce qui est caché.
Il s’agit là d’une ferme conséquente au milieu du hameau, probablement la plus ancienne. Un e source est captée à l’intérieur et ressort dans un “bachat” à l’extérieur. Outre cette curiosité fort utile et pratique, plusieurs détails méritent notre attention.
- La façade côté chemin est ornée de plusieurs ouvertures moulurées de style gothique. Sur le tableau de fenêtre on distingue une sculpture étrange. Il s’agit d’une pierre vaguement carrée sur laquelle se détache une figure à cinq côtés, un pentagramme. A l’intérieur trois formes:
- ”L’axe” de cette scène est constitué par une silhouette à la fois anthropomorphe et cruciforme.
- Sous les deux bras de cette “crucifixion” deux êtres plus petits équilibrent l’ensemble.
- Celui de droite, agenouillé, en attitude suppliante ou de prière, mains et bras tendus touchant cette crois antropoïde; le trait ample de son vêtement pourrait vouloir symboliser une femme.
- Le personnage de gauche, mains sur les hanches, l’air “suffisant”, ne touche pas la croix. Les traits qui entourent son dos dessinent indiscutablement... des ailes d’ange.

Ce qui est caché
Mais le plus curieux est encore à l’intérieur du bâtiment. Une fois dedans se trouvent, à peine à deux mètres, les murs d’une autre construction extrêmement ancienne. Comme une sorte d’étui ou de cocon dont la seule mission serait de défier le temps et la vue du passant.
Au sud-ouest dans cette deuxième muraille, une ouverture de porte murée. L’encadrement de cette dernière, d’un très pur style gothique est visiblement d’époque. La base des moulures commence sur d’étranges dessins: triangles complets ou tronqués aux sommets, puis des segments de courbes superposés. Le somment de l’encadrement d’ouverture se termine sur une croix potencée... désaxée ostensiblement de 7 à 8 degrés.
Au dessous se trouve ce que l’on pourrait, de prime abord, prendre pour une fleur de lys stylisée est en vérité... un fer de pique “GARDIAN”, tel qu’on peut le voir sur l’emblème de la Camargue!

Chemin d’un autre temps
Après cette halte, le chemin grimpe vers les sommets à travers une belle forêt de montagne. es lieux alentours sont à retenir: “Le Purgatoire”, “Le Paradis”, “L’Hermite”, “L’enfer”...
Une chapelle se présente, elle est dédiée à St Antoine l’Ermite. A l’intérieur une statut du saint est, là encore, identique à celle de Rennes-le-Château. Evidemment toutes les statues d’un même saint sont à peu près identiques. Le plus étonnant est de retrouver les mêmes saints à la fois dans l’église de Rennes-le-Château, et sur cette piste du Pilat. Grimpant toujours, le chemin prend le temps d’un détour par deux petits hameaux hors du temps, puis repart en direction des sommets. A ce niveau il possède encore son pavage d’origine. On atteint enfin la “Trève du Loup”. Dans cette solitude désertique seulement troublée par le gargouillis des sources, s’élève une deuxième chapelle solitaire. C’est la fin du chemin, sans autre issue, fortement défendu par la maison de Champailler. L’ultime but de notre piste semble aussi modeste et rustique que l’est en force et soins la maison de défense de Champailler! A raison on se demande vraiment ce qui pouvait motiver un pareil luxe de sûreté pour un aussi pauvre endroit sans style ni vraie valeur religieuse... Cette chapelle, en forme de petite grange du Pilat est pourtant dédiée à Sainte Marie Madeleine! A l’intérieur un simple tableau en est le seul ornement: c’est une nouvelle représentation classique de Marie-Madeleine, mais la ressemblance avec le bas-relief de Rennes-le-Château est saisissante!

Pillages
Si Bérenger Saunière a suivi la piste des Lupé, la “piste des loups”, il est arrivé jusqu’à cette chapelle et a pu se servir de son tableau comme modèle pour le bas-relief de Rennes-le-Château... comme modèle, et comme clé de cryptage. Il y eut quelques exactions commises dans cette petite chapelle: plusieurs fois des “vandales” s’introduirent en défonçant la porte. Etranges pillards qui se contentèrent de ne prendre que certains ex-votos... ou vielles pierres entreposées ici sans la moindre valeur. Voleurs sans connaissance ou... “amateurs averti”?
Avant d’aller plus avant précisons qu’à partir du moment ou nous effectuions un relevé complet et très précis de tout ceci, les vestiges de la maisons de Champailler furent totalement détruits... Si ces actes sont irréversibles sur le plan du patrimoine général, il s’avèrent inefficaces sur le plan de la mémoire car nous en avons dressé des relevés complet ainsi que des dizaines de photographies et plusieurs films vidéos en présence de témoins irréfutables...

Le temps des Falatiers
- Au Xe S; la famille de Falatier prend possession des domaines de Lupé. A ce moment Malleval et Lupé sont sous la même autorité. C’est à cette époque que le château prend la forme de base que nous lui connaissons. Certains écrits, dont ceux de G.M. de Waldan, relate que les tours de ce château avec les tourelles de l’enceinte secondaire auraient été implantée selon la projection de la Grande Ourse... avec pour axe principal la Polaire! Il faut ajouter que le plan du corps seigneurial se présente sous la forme d’un polygone à 7 côtés!
- Fin de l’an 1274, le Pape, le Roi de France, l’Archevêque de Lyon et l’Evêque de Vienne séjournent simultanément à Lupé... On ne sait pourquoi, mais ce genre de réunion devait demander une solide intendance, et surtout des raisons extrêmement capitales pour se dérouler dans ce petit et insignifiant château retirer de tout.
- Guigue de Falatier et ses fils font partie de la dernière vague de renforts envoyés sur ordre royal aux derniers croisés retranchés dans St Jean d’Acre... Sous les ordres de Guillaume de Roussillon, l’époux de Béatrix fondatrice de Ste Croix. Seul Guigue reviendra de ce désastre suicidaire. Notons au passage que la mission de cette ultime expédition était de se mettre sous l’autorité des Chevaliers du Temple... “pour sauver de l’essentiel ce que peut”. Nous ne savons toujours pas de quoi était composer cet “essentiel”?

Alliance avec la maison d’Arques
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Puis le domaine de Lupé passe, par alliance aux de Gaste.
un fait très curieux, sous cette famille, mérite que l’on s’y arrête. Nous sommes à une époque où la chute du Temple est consommée. Pourtant on peut consulter un document attestant d’une transaction, passée au Puy en Velay, entre Guillaume de Gaste et les Templier de Marlhette (la seul maison du Temple dans le Pilat). Jusque là rien de bien étrange. Mais si nous précisons que ce document est daté de 1339, nous pouvons manifester une certaine surprise puisque l’ordre du Temple est suspendu depuis 1312, date du concile de Vienne... au pied du Pilat!
- Les de Gaste était également seigneurs de Villars et de Vauvert. Ils détenaient le droit de haute et basse justice par faveur royale par le fait d’être seigneurs de Lupé!
- Puis il y a double alliance entre les de Gaste et les de Joyeuse;
1) Anne de Gaste épouse François de Joyeuse.
2) Claude de Gaste (son frère) épouse Françoise de Joyeuse, tante du cardinal de Joyeuse.
Cette double alliance pourrait être tout à fait ordinaire si nous ne nous rappelions pas que les de Joyeuse étaient seigneur d’Arques... Alors pourquoi en plus une double alliance sur le frère et la soeur de Gaste avec les sires d’Arques... dont les domaines sont distants de plus de 450 km... et sans aucune chance apparente de former une extension de territoire ou autre alliance de raison... à moins, c’est évident, qu’il n’y ait une raison majeure et impérieuse. Et ce dut être le cas, mais qu’elle raison?

L’énigme des Urfe
- De l’union de Claude de Gaste et de Françoise de Joyeuse naîtront quatre enfants. L’une d’eux, Marguerite de Gaste, sera chantée par Anne d’Urfé... qui en était follement épris.
Les Urfé? Mais qui sont-ils?
Les Urfé doivent leur nom à la dérive des Ulfe et des Wulff... encore des loup, mais germaniques cette fois!
Honoré d’Urfé écrira “l’Astrée” dont tant de passage se rattachent aux “loups”, déguisés ou non, aux Volques Tectosages, à Lycidas, Olympe fille de Lupeandre... identifiée à Marguerite de Gastes Lupé! Il est certain à la lecture de l’Astrée et au vue des symboles du château d’Urfé que nous ne pouvons nier le haut degré d’initiation des familles d’Urfé et de celles qui fréquentaient ces lieux.
- 19 décembre 1598, Catherine de Meuillon, dame de Lupé, épouse Rostaing de la Baume Comte de Suze. C’est elle qui négociera avec Polycarpe de la Rivière, prieur Chartreux en place à Ste Croix-en-Jarez, pour le rachat à prix d’or de “Fief Lacombe”. En vérité sur ce lieu, un puits de mine aurait été ouvert pour en extraire du plomb... par des ouvriers hautement qualifiés venus expressément d’Allemagne! Ces faits sont confirmés par Blumenstein chargé, sur ordre royal, d’estimer les mines cartusiennes en 1741. Cet expert minier travaillait au même moment pour les Urfé. La mine de “Fief Lacombe” s’appelait “Trou du Loup”!

André Douzet