dimanche 28 août 2011

Une ancienne forteresse ?

Où il est encore question de Raymond Graü
A l’époque où nous présentions notre ouvrage ‘Eléments du passé de Ste-Croix-en-Jarez’, nous avancions l’hypothèse que la chartreuse était édifiée sur une ancienne forteresse. Cette affirmation, comme d’autres de notre part, laissait poliment sceptiques les plus courtois de nos antagonistes et déclenchait un tir de barrage nourri de sarcasme par d’autres.
Que dire alors de l’époque où Raymond Graü apportait 20 ans plus tôt les mêmes arguments… C’est sur certains de ses travaux que nous pouvions appuyer les nôtres. A son arrivée à Ste Croix, à part un ou deux érudits locaux, personne n’avait réellement notion du passé de ce village ou de l’importance de certains vestiges encore visibles dans quelques caves ou autres lieux. Il en était de même pour des documents ou archives anciennes. C’est ainsi que nous avions récupéré plusieurs carnets écrits par un instituteur, en fonction à Ste Croix au 19ème siècle.

Du plumier nostalgique à la ‘flambée du soir’
Cet amateur d’histoire, et du passé de sa région, avait dressé un répertoire d’écrits récupérés ça et là auprès d’habitants illettrés allumant leur feu avec de ‘vieilles paperasses’ d’une valeur inestimable pour un chercheur. Plusieurs ‘plumiers’ nécessaires à l’écriture autrefois (longues boîtes de bois chevillées, fermées par une planche coulissante, contenant les grosses plumes métalliques rongées par le temps, une lame canif et un encrier de fer) étaient ainsi passés dans la cheminée pour allumer la ‘flambée’ du soir… Nous avons pu en sauver deux dont le couvercle s’ornait des armoiries cartusiennes. Souvent le premier niveau du plumier contenait des rouleaux de documents représentant le plus souvent des actes registrés ou des comptabilités privées ou notariées. C’est souvent avec ces vestiges de l’écriture passée qu’était enroulé un épais paquet de feuilles manuscrites tenues par des filets en boyaux de chats… Lorsque les vers ou la moisissure n’étaient pas venus à bout de ces témoignages du passé, ils terminaient tristement leur existence de mémoire écrite en forme d’allume-feu. Plusieurs de ces ‘rouleaux’ furent sauvés par le vieil instituteur et nous en avons retrouvés encore d’autres.
Les étoiles de midi de Ste Croix
Sous cette forme de cahier se trouvaient les "Notes sur le païs Pavezinest et alentors" du Père Guy Coquillat, et un autre petit format de 1792 du "Journal des amis de littérature". Nous donnerons une reproduction de ces documents au chapitre ‘archives de Ste Croix’ le moment venu.
Sainte Croix en 1789
Ainsi resurgissaient quelques preuves oubliées attestant que sous la chartreuse dormaient encore des vestiges, très anciens, d’une forteresse, qui probablement avait appartenue aux Roussillon, ou en tous cas dont ils avaient eu connaissance. C’est ce que nous retrouvons dans le récit de Béatrix à propos du miracle à l’origine de la fondation de Ste Croix… Evidemment, à l’époque où nous parlions de ces écrits le chœur des grincheux entonnait le traditionnel refrain des ‘étoiles de midi’ : « nous ne voyons pas les documents, donc ils n’existent pas… ». Ce refrain changera sans doute avec la présentation de ces documents dans un de nos prochains écrits sur le sujet.
Tout comme nous reviendrons, peu à peu et ici, sur des éléments retrouvés dans le monastère… et en dessous… attestant de l’importance et de l’attention soigneuse apportée à la construction de ces bâtiments fortifiés. En attendant nous nous contenterons de citer quelques textes consacrés à ce sujet dans leur ordre chronologique sans autre forme de commentaire.

"... Et en effet les titres du païs favorise si fort cette conjecture qu'on en trouve un très vieux où ce lien est appelé d'un nom latin et français tout ensemble "Villa Russeolus" et il semble bien que ce soit ces deux Urseolus, Père et fils qui ont laissé leur nom à cet ancien castel. C'est pourquoi dans les plus vieux titres qui regardent ce fief on a vérifié qu'il s'écrit Russeolus et de Même l'autre C. de Verius selon que la prononciation du vulgaire l'a retenu du nom Verepi.
Il est certain que la mémoire et renom semble encor a présent se renouveller par le soin qu'ils ont eu de perpétuer leurs noms de toutes parts en les imposans aux forts qu'ils avaient bâtis et même encor a des simples territoires qu'ils auraient possédés, veu que, comme remarque le même autheur, lorsqu'ils estoient Seigneurs du monde, estoient telle de tenir toûjous bonne garnison de soldats dans les païs qu'ils avoient soumis à leur obéissance, et pour leur donner courage de les bien servier il assignoient certains villages et terres de ce païs mesme aux vieux gens-d'armes, lesquels biens estoient déclarez propres à eux et à leurs enfants, pourvu que ces enfants fussent gens de guerre et ne s'aliénassent point à des gens privés et d'une autre profession. D'où cet auteur qui a puisé cela dans les anciennes recherches du fameux Denis d'Halicarnoffe, tire la source et l'origine des fiefs et terres nobles héréditaires que les seuls Gentilshomes auxquels proprement appartient l'exercice de l'art militaire tiennent de droit sous la charge de leur service dans les guerres lors de leurs convocation en l'arrièreban..."

"...L'usage du droit écrit commence de ce lieu du Castel Crux qui est en ce païs, vers le septentrion gui est coutumier contre le mydi qui est droit écrit, à une croix qui est prez de là, venant du Bourbonois duque là mesmes est faite séparation d'avec le fores en fa pierre de celle croix y avait plusieurs mots gravez. Je' ay souvent visité pour essayer de connoistre et lire le reste. Les religionnaires lorsqu'ils commencèrent de courir les champs, l'abhatirent et brisèrent. Paul en la dernière loÿ nomme trois provinces en France du droit écrit Lugdunenses Galli, item et Viennenses Galli et Narbonenses Galli, c'est à dire les Gaulois Lyonnais, Viennois et Narbonnois, le surplus des provins Françaises à retenu la coutume dont la source n'a esté que l'ignorance du droit et de la jurisprudence. "
Relevé manuscrit des notes du Père Guy Coquillat. " Notes sur le païs Pavezinest et alentors"- non daté.

"...Dieu a voulu conserver en ce Chatel de la Croix dezs preuves sans reproche afin que la fay qui y est si ferme n'y manque pas de ce plus fort et de ce plus illustre de tous les témoignages. Dieu vouloit qu'on scent que non seulement, elle y avoit esté annoncée mais encore soutenue aux dépens d'un très saint précieux sacre et que sa présentation miraculeuse dans ce tertre nous soyent demeurez cachez est inconnus par l'oubly es obscurité dont le temps couvre toute chose. En ce sacré manuscrit en velain qui est en mon pouvoir par libéralité d'un personnage illustre de ce Païs. L'an mille cinq cent soixante deux."
Notes du livre premier des Annales. Deuxième chapitre. Monseigneur BelleForest

-"...Sur le ruisseau du Couzon on trouve dans la vallée les restes de l'ancienne Chartreuse reconstruite il y a cinq siècles par les moines de cet ordre. Le titre de Ste Croix est celui que les Pères ont laissé de l'ancien couvent. Depuis on ne trouve plus rien des anciens débris ruinés des défenses du premier mur, sauf les bassins et le tunnel d'eau du vieux Castrum romain... "
Rapport des ressources minières. Volume XI Mr de Vandart.

Pour rappel: "... Pons de la Sablière, premier Prieur, s'engage pour lui et son ordre à n'accepter aucun autre gardien ou défenseur qu'Artaud de Roussillon .... Ajoutons que par précaution fort utile à cette époque le nouveau monastère fut entouré comme un château-fort de hautes murailles et de tours crénelées, c'est là un exemple que l'on retrouve fréquemment ailleurs..."
-"...Ste Croix fut considérée comme "une sorte de place forte " au mois de mai 1590 pendant les guerres de la ligue "entourée d'un mur d'enceinte flanqué de tours, dont plusieurs subsistent encore... "
La Chartreuse de Ste Croix. A. Vachez.

-" ...Un fossé alimenté par les ruisseaux de Nuzière et Pavezin, défendait d'une façon supplémentaire les abords du monastère. Un pont-levis donnait accès à cette porte monumentale ouverte depuis le Xl^Ilème S. dans la partie orientale de la Chartreuse... "
Promenade et Excursions Historiques. Baron A, Raverat

L'ancien cloître des pères
-" ... Les dits biens comprennent la maison forte dans laquelle fut construite la dite Chartreuse située au milieu de la paroisse de Pavezin fondée en 1280 ..."
Aveu de dénombrement du 29 juillet 1676.

-" ...Qu'on a signalé de î'amphibolite massive à grain fin, dans l'un des puits creusés par la confection de /a galerie et Mr Fournet a trouvé des grenats à cassures résineuses dans les sables de cette percée... "
Mulsant. 1870.

-" ... Humbert donnant à Isabelle d'Harcourt, pour le cas où il décéderait ses terres et seigneurie d'Annonay et de Boulieu et tout ce qu'il pouvait avoir dans le baillage du Vivarais et la sénéchaussée de Beaiicaire, les seigneuries de Riverie, de l'Aubépin, de Châteauneuf avec la forteresse de Ste Croix de l'ordre des Chartreux... "
Testament d'Humbert IV de Villars 1415.

-" ... Mais si le monastère a conservé son enceinte flanquée de tours qui lui donnent encore de loin l'apparence d'une forteresse féodale, les faibles restes de ses fossés n'opposent plus aucun obstacle à l'accès de ses deux portes défendues par des ponts-levis... "
Revue du Lyonnais . XXX

-" ... Un plateau présentant la forme d'un quadrilatère irrégulier supporté presque de tous les côtés par une masse d'énormes rochers, remparts naturels qui doublaient la force de ce point de défense et dont la hauteur, du côté de l'orient s'élève de six hauteurs d'homme. Autour du plateau qui a conservé tontes ses aspérités primitives, régnent de larges fosses que les siècles ont pu combler entièrement. Des remparts, il ne reste plus que des débris informes dont la traînée permet de reconnaître fidèlement l'enceinte, les tours, ces dernières au nombre de huit, et les portes du vieux caste/.. C'est par ces deux issues que passait le chemin... "
Document obligeamment prêté pour copie. Notes manuscrites d'anciens documents personnels.

-"... Une pièce voûtée que l'on présente comme ayant été l'ancienne cuisine, dont (a voûte est soutenue par de curieuses colonnes trappues et les murs ornés de têtes grossièrement sculptées que l'on prendrait volontiers pour une oeuvre antérieure au XIIIème S., si l'on ne connaissait d'une manière bien certaine la date de construction de l'ancienne Chartreuse... "
La Chartreuse de Ste Croix. A. Vachez.

(Les illustrations sont extraites du livre de A. VACHEZ 'La Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez' -1904)

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