dimanche 28 août 2011

la Pierre qui chante

En mémoire de Jean-Louis Brechet et Ado Bedoin…
Un mégalithe très peu commun
Le mégalithe le plus insolite de l’ensemble des ‘Roches de Marlin’ est pour nous celui qui a pour nom ‘La Pierre qui chante’. Cette ‘pierre’ était sans doute la plus importante du site. Il semblerait qu’avant nous, il y a plus de trente ans, personne n’ait jamais fait mention de cette roche et encore moins de son nom. Il est vrai, qu’à cette époque, nous étions les premiers à nous intéresser sérieusement à cet endroit qui ne fut connu du public que bien plus tard.
Ce bloc rocheux se trouve en alignement avec le hameau de Jurieu, quasiment au bout du chemin (et à droite) en arrivant de Marlin que nous avons déjà vu précédemment.
Il s’agit là d’une sorte d’énorme amande rocheuse, tournée vers l’ouest et inclinée (montante) par rapport au sol ambiant. C’est un mégalithe peu commun, qui n’est pas vraiment un dolmen, puisque posé directement au sol, ni un menhir en raison du fait qu’il n’est pas dressé complètement.
De forme grossièrement ovale, elle mesure plus de trois mètres cinquante de long, pour une largeur d’un mètre vingt et quatre-vingts centimètres à sa plus importante épaisseur. Inclinée à près de vingt degrés sur le terrain, et ce dernier étant lui-même en déclivité, la pierre pointe résolument aux alentours de quarante degrés de l’horizon réel. Dire qu’elle repose sur sa partie basse est une erreur. Une arrête rocheuse naturelle la supporte en une sorte d’équilibre très stable renforcé par le blocage de petites cales de roches. L’amande repose ainsi sur ses 3/5ème, et cette position lui donne une apparente légèreté. Elle se trouve à la fois surélevée du sol et solidement ancrée sur ce dernier par l’action de son propre poids; l’impression de ‘porte-à-faux’ s’estompe si l’on songe que ce bloc fut posé ainsi il y a des millénaires… et que visiblement il n’a subi depuis aucun glissement ou tassement sur sa base. Mais il y a encore mieux : à l’observation du sol, le sentiment que la pierre fut ‘posée’ sur son calage est renforcé par la conviction que les minces plaques rocheuses qui la bloquent auraient été immanquablement écrasées si une telle masse avait été poussée ou tirée à cette place. Non… cette pierre est à la juste place où des hommes l’ont voulue… avec une précision qui dépasse encore notre entendement, vu ce dont ils disposaient pour un tel travail !
Témoin de rites monstrueux ou de chants lancinants ?
Le bloc se trouve percé de deux grosses cupules sur sa face exposée au sud. Elles sont reliées entre elles par une mince et étroite gorge… Ainsi si l’on verse du liquide dans la cupule haute, ce dernier s’écoule vers la cavité basse. De cette évidence est sans doute née l’idée de monstrueux sacrifices avec écoulement de sang tout au long de la roche. Or, un quelconque liquide doit d’abord remplir la première cupule à ras bord pour commencer à s’écouler, ce qui impliquerait beaucoup de sang… sans oublier que ce dernier coagulerait trop vite pour permettre un tel spectacle sur une longue durée !
Mais il faut maintenant apporter une série d’éléments pour tenter de trouver ce à quoi ce mégalithe doit un tel nom : « La Pierre qui chante ».
Bien entendu, cette énigme nous a intéressés depuis le début de nos recherches. Il fallait exclure évidemment le moindre espoir de l’entendre… chanter au sens général du mot. Il restait les possibilités pratiques, en tenant compte de ce qu’avaient nos ancêtres à leur disposition, afin de rester dans les limites du ‘réalisable’ avant de plonger dans l’imaginaire et l’irréel. Nous pouvions songer à produire des sons en tapant avec de la pierre, du bois ou une barre de bronze sur le mégalithe… Tout au plus avons-nous obtenu effectivement des bruits qui, selon un rythme, pouvaient devenir une sorte de litanie… peu harmonieuse mais qui, même avec une très bonne volonté, n’avaient rien à voir avec un chant ! Il restait bien sûr le bruit du vent (quasiment perpétuel à cet endroit) dans les cupules et qui pouvait sembler une plainte… rien non plus dans ce sens, car on entend simplement les sifflements du vent et rien d’autre !
Des yeux pour les étoiles
Une fois ces hypothétiques essais avérés sans succès, nous avons abordé une autre série de constats.
A bien regarder l’amande rocheuse, on s’aperçoit que ceux qui l’ont voulue ainsi ont utilisé au maximum les formes naturelles du bloc. Nous sommes donc assez proches de l’esprit des druides qui voulaient qu’une roche servant à leur culte soit la plus naturelle possible.
Il faut, dans ce cadre, prendre un peu de distance et regarder cette roche dans son ensemble, sans la fixer trop du regard et si possible en matinée ou fin de journée pour avoir un éclairage arasant.
C’est à ce moment qu’apparaît un grand visage se dessinant sur la pierre depuis la forme naturelle du minéral formant l’arête d’un nez aquilin encadré vers le haut par les deux cupules disposées à la place des yeux… Ces détails amplifiés par le jeu des ombres dessinent des traits surprenants, austères, graves… ceux d’un visage qui crie ou… chante ! L’expression fugitive est empreinte d’une certaine noblesse; on n’y décèle aucune cruauté ni effroi…
Lorsque le soleil s’apprête à disparaître à l’horizon, les traits s’intensifient encore, se durcissent, puis se fondent dans l’ombre… le visage est redevenu pierre inerte. Le cliché entrevu inspire le respect et prédispose à une méditation interrogative. Le regard sombre et attentif interroge le ciel, la nuit… les étoiles. Ici, comme au menhir du Flat (dont nous parlerons bientôt), des yeux observent à jamais le firmament.
Une autre roche du même type devait se trouver très près de celle-ci… mais, brisée sans doute en cours de transport, elle n’eut pas le temps d’être mise en place ou activée…
Un chant que les oreilles ne pouvaient écouter
Ainsi, nous avons, semble t-il, trouver une explication à ce nom : un visage criant ou chantant… Mais était-ce seulement cette expression qui en justifiait l’appellation ? Nous sommes allés un peu plus loin, car un autre détail nous surprenait dans la construction de ce visage. Nous admettons que les maîtres d’œuvre de ce mégalithe aient été capables d’édifier une telle roche agrémentée d’un visage comme nous le voyons… ce qui exclut radicalement l’intervention naturelle d’un pur hasard. Peut-on croire qu’un détail important dans le dessin d’un visage ait pu leur échapper ?... car, en effet, il manque pour compléter cette morphologie… les oreilles ! En échange, un front très long, effilé, quasiment aussi grand que le bas de la figure depuis les yeux… ne manque pas de nous étonner !
Doit-on en conclure que les oreilles ont été ‘oubliées’ volontairement ?... tout aussi volontairement que le front est représenté démesurément long ?
En ce cas nous avons cette possibilité :
Nous sommes devant une figure avec :
- une bouche grande ouverte qui chante ‘fort’…
- sans oreilles pour ‘entendre’ ce son…
- mais pourvu d’un front anormalement prolongé pouvant simuler une grande capacité cérébrale…
Tous ces ‘détails’ veulent, peut-être, signifier que le chant de cette Pierre unique en son genre n’est pas une mélopée audible par des oreilles… mais par un cerveau capable de la percevoir ! En quelque sorte un son, un message, un savoir ( ?) à destination d’une intelligence capable d’entendre cérébralement ce que des oreilles ne peuvent entendre… Ou peut-être est-ce là un avertissement que ce ‘chant’ n’est pas pour le commun des mortels attendant simplement d’entendre ce qui ne lui est pas réservé ?
Mais alors… de quel son ou ‘chant’ peut-il s’agir ? Et comment l’activer… et le percevoir ? C’est ce que longtemps nous nous sommes demandés. Un détail nous surprenait également : il était difficile de faire tenir un animal (expérience faite avec plusieurs chiens et chats) sur la roche... ce dernier ne semblait avoir qu’une idée … en descendre le plus vite possible en gémissant !
L’extraordinaire chant inaudible
Il a fallu attendre plusieurs années l’arrivée d’un chercheur, maintenant totalement oublié, Jean-Louis Brechet. Il s’agissait d’un ingénieur de très haut niveau dans une technologie qui commençait à prendre de l’importance : l’informatique. A ce savoir, Jean-Louis ajoutait des compétences supérieures en électronique. Il s’est très vite intéressé à ce problème du « chant de la pierre que l’on ne pouvait pas entendre ». Plusieurs fois, il s’est rendu, avec d’autres scientifiques, sur les lieux. Pour lui, la réaction des animaux signifiait qu’un son en ‘infra’ ou ‘ultra’ fusait de cette roche… sans pour autant en supposer l’émission. La pierre bardée de capteurs finit, après de longues séances, par se laisser ‘deviner’. Et c’est en explorant des fréquences inaudibles à l’oreille humaine… qu’une veille de Noël, J.L. Brechet finit par ‘entendre’ ce que nulle oreille humaine n’avait entendu : le chant de la Pierre… comme une sorte de suite de 5 tonalités répétitives à l’infini ! Mais l’origine de ce son, sa transmission, sa réception et surtout son but final sont toujours restés une énigme. Une autre série de questions reste, pour nous, extraordinaire, mais sans réponse et inquiétante: Peut-il s’agir d’un hasard minéral du type ‘poste à galène’ ? ‘Ceux’ (ou celles) qui implantèrent une telle pierre savaient-ils ce qu’elle pouvait produire ? Si oui, pouvaient-ils à volonté reproduire et cette forme et ces résultats ? Qui étaient ces ‘créateurs’ et de quel peuple étaient-ils les maîtres ou les prêtres ?
Des roches à la chapelle des… fous
A l’époque de nos recherches, nous avions poursuivi nos enquêtes avec l’aide d’un autre chercheur : le père Ado Bedoin ! C’est lui, par exemple, qui nous avait fait remarquer que la pierre se trouvait dans le périmètre de promenade des chartreux de Ste Croix… et que, de fait, ils ne pouvaient en ignorer la présence… mais surtout, que jamais cette roche n’avait été christianisée, détruite, déplacée. En effet, une paire de bœufs ou un bon et long levier aurait alors suffi à renverser cette pierre ‘maléfique’… pour d’autres que ces moines ! Mais ce n’est pas tout. Ado avait continué sa petite enquête et s’était aperçu que certaines personnes de Ste Croix et ses environs avaient eu de l’intérêt pour ce lieu énigmatique et cette pierre. Plusieurs avaient tenté d’en savoir plus sur ce mégalithe qui, par un certain aspect, invitait ses visiteurs à s’étendre sur lui.
Nous avons pu alors recenser formellement quatre personnes qui, en moins de cinquante ans, avaient essayé de ‘violer’ le secret, sur place, de ce fascinant rocher… Ces quatre personnes en sont toutes redescendues avec de graves problèmes cérébraux. Grâce aux relations d’Ado, nous avons pu rencontrer quelques instants une de ces… victimes. Plus aucune discussion n’était possible avec nous… tout au plus quelques mots incompréhensibles. Seul Ado, en sa qualité de religieux, avait pu patiemment établir un faible lien, au cours duquel il avait fini par reconstituer le processus.
Certes, l’émotion, la crainte, ou certains exercices d’extases mal vécus ou poussés au paroxysme peuvent déstabiliser un esprit fragile… Mais saurons-nous un jour ce qui se passe vraiment, dans certaines conditions, sur ces lieux ?
Ce rite ‘d’enchantement’ subi sur la roche était-il seulement destiné à ‘rendre fou’ le patient, le néophyte, le profane ou le postulant ? Rien n’est moins certain… Celui qui ‘savait’ pouvait sans doute user de cet exercice et s’ouvrir à ce secret sans grand risque. Mais le ‘non-initié’ y laissait toute sa lucidité et, ne pouvant rapporter le moindre souvenir de son voyage… enchanteur, il devenait … fou et le secret restait, lui, inaccessible! Mais qu’y a-t-il de plus mince que l’espace séparant la sagesse de la folie ? A ce propos, ajoutons à ces étranges faits que l’antique chemin conduisant au site des roches de Marlin partait de Jurieu (derrière la chapelle) et arrivait devant la ‘Pierre qui chante’… et que l’ancien nom de cette vénérable chapelle était : « la chapelle des fous » ! Encore un dernier hasard sans doute…
L’enchantement d’une roche et la présence des fées
La pierre des fées
‘Pierre qui chante’ est un nom qui ne pouvait être donné par hasard ou caprice. Il faut admettre qu’il a donc été octroyé en fonction d’un rôle précis et connu, qu’elle assure avec justesse. Ceux qui ont fait ce choix, il y a bien longtemps, savaient peut-être le contenu du message et les modes d’emploi pour ce genre de ‘réception’, pouvant être extrêmement dangereuse sans le savoir nécessaire. Cette procédure et le but de ce ‘contact’ sont-il toujours en possession de quelques personnes ? A qui étaient réservés cette roche et ce chant oublié ? à quelle élite ou quel condamné ?...
Chanter… certes, nous fait penser à une mélodie, une harmonie de sons… un chant, une chanson peut-être ? Si ce nom est très ancien, ne pourrait-il pas s’apparenter au terme ‘chanson’ dans le sens d’un récit merveilleux tel par exemple… « La chanson de Girard de Roussillon » ??? Ce message alors serait un récit, une saga, un savoir merveilleux ?...
Patrick Berlier, avec justesse, sur le sujet, supposait que le mot « chanter » en vieux français signifiait aussi « enchanter »… faire des enchantements… et des ensorcellements. Il ajoute que si la pierre « enchante », elle prend alors toute sa place dans le site des roches de Marlin ou Merlin… puisque ce magicien, cher au roi Artus, était sans doute le plus connu des … enchanteurs de son époque !

Les seules découvertes faites près de cette roche sont quelques pierres de rivière. Elles furent donc apportées ici par des hommes. Etait-ce un culte, une offrande, un rite oublié, une marque de respect, de crainte, d’inféodation ? Il s’agit de galets recouverts de petites cupules… sur une seule face, celle qui se trouvait tournée vers la terre. Ces galets étaient tous rassemblés en un seul lieu (du moins à notre connaissance) à quelques mètres de la Pierre qui chante. Montrés à un vieil habitant de Marlin, à l’époque de notre découverte, celui-ci s’était rapidement ‘signé’ et avait très vite prononcé le mot « une pierre de fée ». Certaines cheminées du hameau en étaient quasiment ‘religieusement’ parées. Nous n’avons jamais su où les ‘anciens’ les avaient trouvés, ni le pouvoir visiblement immense, qu’ils leur accordaient… Sans doute un autre mystère de la Pierre enchanteresse?
A suivre…
André Douzet
NB : On consultera avec bénéfice le fascicule de Patrick Berlier qui reprend divers autres aspects de ce site :
Le guide du Pilat et du Jarez - n° 8 (1986)
LES ROCHES DE MERLIN
Editeur : action graphique – St Etienne

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