dimanche 28 août 2011

la Chartreuse de Sainte-Croix : articles 6.


Nous voici arrivés au sixième article des journaux de la vallée du Gier repris et présentés dans nos colonnes consacrées à la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez.
Nous sommes le 28 février de 1969 lorsque sort l’article en question ici. Nous l’avons choisi bien entendu car il fait mention de la Chartreuse mais aussi et surtout parce que nous retrouvons notre vieil ami Raymond Grau au devant de la scène… Une scène qui commence à sentir une odeur qui nous est habituelle, celle de l’oubli des valeurs de celui qui, le premier, a remonté ses manches pour le seul honneur du site et rien d’autre !
Tout d’abord, une fois encore, on y voit que la ‘cuisine des pères’ et son immense cheminée sont devenues, à juste titre, l’un des plus beaux fleurons de la Chartreuse. Mais, ceci dit, tous prudemment s’efforcent de ne jamais ajouter que ce que nous voyons aujourd’hui est le fruit de la persévérance de Raymond, de sa ténacité à avoir, tout d’abord, acquis le local de ses deniers, ensuite à surtout lui avoir redonné, sans compter, son aspect d’origine. Ce lieu était dans un état de saleté repoussant et les vestiges avaient disparu sous les plâtras et les gravats. Une fois l’endroit remis en état, les murs devaient abriter un musée…Et ceux, comme nous, qui connurent Raymond à cette époque savent qu’il avait de quoi le remplir de bien plus belle manière que ce qui s’y trouve actuellement. Certes, ce que le visiteur aurait admiré ne serait pas forcément ‘pasteurisé’, ‘aseptisé’ et admis avec une ‘imprimatur’ des plus sévères et rigides. Ces témoins du passé, souvent retrouvés sur les lieux même de la Chartreuse, s’avéraient de véritables richesses que notre homme payait, en cas d’obligation, de ses propres deniers ! Si on compare ce qu’il pouvait faire à ce qui est fait, on ne peut que déplorer qu’il ait été littéralement chassé de là et surtout oublié…
Certes, il faisait les choses gratuitement, et si parfois la conformité n’était pas entière, la richesse de ses actions valait largement une petite marge de tolérance. De plus, notre ami était et est heureusement resté un puriste, sans formation d’Etat ni bardé d’un monticule, totalement inutile au demeurant en la circonstance, de diplômes ou recommandations politiques diverses et passe-droits variés et avariés !!! Il agissait pour la beauté du geste, ce qui maintenant n’a même plus de sens commun à ceux qui se gaussent, et de tout savoir sur le passé de cette Chartreuse, et de s’en réclamer les maîtres absolus ! Ni les uns ni les autres n’arrivent à la cheville de notre vieux pionnier…
On raconte même qu’il n’aurait jamais été en possession des objets qu’il voulait exposer. Pire encore, certains sales individus n’hésitent pas à sous-entendre qu’il aurait pu ‘voler’ certains vestiges… Certes, ceux-ci se gardent bien de le lui dire en face car il leur en cuirait sans doute encore de la part de Raymond ou de la nôtre !
Le monde des statues féminines
Cet article prend toute sa place après la présentation de la statue de Béatrix de Roussillon, fondatrice de la Chartreuse de Ste Croix. Car en effet nous retrouvons ici notre ami, au moment où il finit par localiser une statue laissée pour compte dans les oublis et les sombres replis des rebuts ripagériens. Il s’agit d’une madone de grande taille, visiblement faite pour être exposée à l’extérieur. Ce vestige, il l’a recherché de longs mois avant de le situer ! Mais notre chasseur ne se contentait pas de cette traque passionnante ; il la doublait d’une volonté farouche de remettre le fruit de sa quête dans le meilleur état possible avant de l’exposer aux yeux de tous.
En plus de nous conter les péripéties de cette récupération, cet article permet aux curieux que nous sommes de connaître les localisations de locaux disparus depuis longtemps, tels qu’une école dans le quartier de la Berthelasse, la chapelle des verriers, la Maison des Jeunes des années 1960. Nous nous rappelons une anecdote concernant cette statue, racontée par Raymond. Il se souvenait que les enfants de l’école St Jean, au cours des récréations, avaient pour jeu favori de lancer des cailloux à la vénérable madone qui rendait un son mat à chaque ‘coup au but’… Après ces souvenirs de ‘garagnat’ (nom donné dans la vallée du Gier aux enfants turbulents), notre ami nous confiait qu’effectivement il s’était aperçu, en nettoyant son précieux butin, que vers la tête apparaissait une sorte de colmatage dont l’inutilité pratique lui laissait augurer d’une possible cache aménagée dans le bois… Il ne nous appartient pas de divulguer ici si l’orifice, une fois dégagé, livra ou non le secret de cette vierge vouée à l’oubli et la destruction.
Effectivement, les pistes de Raymond Grau l’amenèrent à retrouver la ‘cloche des Verriers’… mais l’abandon du projet de son musée dans la cuisine des Pères de la Chartreuse de Ste Croix le découragea de poursuivre plus loin cette découverte. Cependant, plusieurs expositions eurent lieu dans ce local qui fait la gloire de ceux qui se targuent maintenant de l’avoir remis en valeur… Il est vrai que nous n’en sommes plus à un mensonge près dans ce superbe périmètre de l’esprit de vérité. Toujours est-il que le public n’eut guère le temps d’apprécier cette sculpture que personnellement nous avions eu loisir d’admirer. En observant la photographie illustrant l’article, on peut voir Raymond au premier plan. Quant à cet article, dont nous apprécions toute la saveur, peu après sa parution son auteur dut s’apercevoir de la trahison de ses espoirs déçus qu’il augurait pourtant sous ce titre prometteur :
« Le musée de Sainte-Croix-en-Jarez, dont on espère l’ouverture prochaine, s’enrichira d’une madone du XVIe siècle »…
« Depuis plusieurs mois, Raymond Grau, qui a deux passions, l'art et l'archéologie, rêve de faire de Sainte-Croix un petit Saint-Rambert. Aussi collectionne-t-il avec ferveur tous les objets antiques pouvant apporter des preuves sur le passé régional, et son ambition est d'ouvrir à Sainte-Croix, avec quelques-uns de ses amis qui sont d'ailleurs de sa trempe, un véritable musée.

Durant l'été, Raymond Grau avait déjà effectué un travail très important dans une salle de l’ancienne Chartreuse et il avait notamment mis à jour des voûtes murées, retrouvé des fragments de mosaïque et surtout entièrement découvert une belle cheminée de plusieurs mètres avec un écusson des Chartreux.
Parallèlement, la bibliothèque du prieur avait été réfectionnée.
Depuis, Raymond Grau et ses amis ne cessent d’amasser les pièces qui figureront au musée ; on décape, on remet en état les objets les plus divers et tout cela est prêt à prendre la direction de Sainte-Croix.
Mais, voici quelques jours, Raymond Grau a fait une découverte qui l'a comblé d'aise : une madone en bois de la fin du XVIe siècle, et dont l'histoire a pu être reconstituée depuis 1790, est entrée en sa possession grâce à M. Grataloup.

UNE STATUE DU XVIe
La statue vient de retrouver sa forme originale, mais ce ne fut pas sans mal puisque celle-ci avait connu bien des déboires, ayant été successivement recouverte de plâtre puis peinte avec de superbes tons bleutés avant d'être encore recouverte de minium, sans parler des dégâts causés par les pigeons.
La statue en avait d'ailleurs tellement vu que personne ne supposait qu'elle était en bois, d'autant que deux autres semblables, se trouvant dans le presbytère de Saint-Jean, sont en fer.
La madone ne mesure pas moins de 1m 40 de hauteur pour 0 m 50 de largeur dans son drapé ; on l’a située de la fin du XVIe en raison de ses proportions qui dénotent une étude anatomique poussée de la part de ses créateurs et elle est en bois fruitier.
Elle est constituée de trois pièces, bien que le corps lui-même soit d’une seule pièce. La tête est creuse et Raymond Grau a hâte d'en avoir achevé le décapage car un bouchon lui fait espérer qu'à l'intérieur il découvrira un parchemin écrit par ses réalisateurs.
Raymond Grau, aidé dans son entreprise par M. Marino, a pu retrouver l’histoire de cette madone, à partir de la Révolution.
En 1790, elle se serait trouvée sur l'emplacement d'une des premières écoles religieuses de la ville, à la Berthelasse. Puis, en 1815, elle serait passée dans la chapelle des Verriers qui s'élevait sur l'actuel emplacement de la Maison des jeunes, rue A.-Marrel. De là, elle gagna le presbytère édifié dans le quartier du Puits Saint-Jean lorsque la chapelle des Verriers disparut. Enfin, en 1823, au moment de l'édification de l'église Saint-Jean, elle regagna l’école Saint-Jean près du canal, où elle se retrouve en compagnie de deux autres totalement similaires et qui d’ailleurs auraient pu être moulées sur celle-ci.
Inutile de dire que Raymond Grau est tout heureux de sa découverte et du don qui lui a été fait grâce à MM. Grataloup et Faure ; cet objet d'art religieux prendra une place de choix au musée de Sainte-Croix, peut-être aux côtés de la cloche de la chapelle des Verriers que l'artiste a déjà en vue. »

Raymond Grau
A la suite de cet article, nous en ajoutons un plus petit qui, bien que plus anodin, mérite notre attention en matière de bénévolat à propos de l’intérêt pour le vieux monastère cartusien. Nous sommes le 11 septembre 1964 et le journaliste nous entraîne vers deux personnages arpentant les vénérables bâtiments et leur environnement immédiat. Il s’agit de deux élèves de l’école spéciale d’architecture de Paris, désignés pour établir un relevé des éléments susceptibles d’être retenus pour un classement des services des Monuments Historiques de France. L’opération se déroule sous l’initiative de monsieur L. Lote, architecte en chef des mêmes services, qui désigne ces deux futurs architectes pour ce travail d’une utilité incontestable. Ce qui est encore plus incontestable c’est surtout le fait que ces deux personnes remplissent bénévolement ce travail minutieux et indispensable. Si nous ne savons rien sur la suite qui fut donnée à ces prospections, nous aimerions cependant soulever la question suivante : ces travaux de relevés d’architecture sont réalisés par des professionnels offrant leur temps et leur compétence de manière totalement désintéressée pour le plus grand intérêt de l’étude du monastère… Aujourd’hui, quarante ans après, nous savons que les relevés d’état des lieux ont eu lieu et les plans dressés par des professionnels que nous avons tous vus à l’œuvre. Cependant, la question est la suivante : qui de ces derniers messieurs (ou dames) ont travaillé gratuitement pour la beauté du geste sur ce chantier???? Nous nous souvenons que, personnellement, chaque fois qu’un relevé nous fut demandé à destination des archives du Parc Naturel Régional du Pilat, notre intervention ne pouvait qu’être entièrement gratuite. Cette gratuité, ce bénévolat, sont également ce que voulait Raymond Grau, concernant les remises en état qu’il engageait avec ses amis, sans compter, sur ce site.
Aujourd’hui, il ne reste rien de ces bénévoles… rien de messieurs J.M. Ponsot et S. Senart… rien de Raymond… rien sur aucune reconnaissance pour leur désintéressement qui maintenant n’a plus court en ces milieux où seul sa majesté financière règne en maître absolu sur l’ombre stérile de Ste-Croix-en-Jarez… Il nous semblait indispensable de citer aussi cet article de journal rendant hommage, et ce doit être le seul, à ces discrets mais indispensables volontaires.
« Deux jeunes Parisiens profitent de leurs vacances pour aider au sauvetage de la Chartreuse de Sainte-Croix »
« Depuis plusieurs jours déjà, les habitants et les touristes de Sainte-Croix aperçoivent deux jeunes hommes qui mesurent avec soin les distances et dessinent habilement sur de larges cahiers. Il ne s'agit pas d'hôtes de passage montrant aux visiteurs des talents d'amateurs mais bien d'artistes doués de compréhension et plus encore de bonne volonté. Avec beaucoup d'urbanité envers la population et de déférence envers les propriétaires de Sainte-Croix, ces artistes remplissent sans bruit une mission qui portera prochainement des fruits éclatants. En effet, L. Lote, architecte en chef des Monuments Historiques de France, qui connaît Sainte-Croix et qui apprécie hautement le louable désintéressement des Amis de la Chartreuse, a guidé vers ce monument de chez nous, deux élèves de l'Ecole Spéciale d'Architecture de Paris.
Selon les règles de cette école, les élèves doivent, pendant les grandes vacances, effectuer un travail personnel qui, à la rentrée scolaire, sera examiné avec soin par de hautes personnalités artistiques.
M. Jean-Marc Ponsot et M. Senart viennent donc séjourner douze jours à la Chartreuse de Sainte-Croix, pour faire un magnifique travail de la plus incontestable utilité.
Au cours de leurs studieuses journées, MM. Ponsot et Senart rechercheront tout ce qui dans Sainte-Croix conserve un véritable intérêt historique. D'après leurs études sur place, leurs esquisses et leurs suggestions, les Monuments Historiques de France pourront dans quelques mois effectuer des classements de la plus extrême importance.
Remercions donc chaleureusement M. Lote de sa marque d'estime à l’égard de notre région, et félicitons les deux élèves de l'Ecole Spéciale d'Architecture de Paris de nous faire largement bénéficier de leur compétence.
La rénovation de l'antique Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez se poursuit donc avec une heureuse méthode. En ces tièdes et lumineuses journées de septembre, il faut marquer d'une pierre blanche le passage au pays de Jarez de M. Jean-Marc Ponsot et de son excellent ami S. Senart. »

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