dimanche 28 août 2011

Légendes de saint Sabin

Un site de l’importance de celui de St Sabin, dans le Pilat, ne peut s’envisager sans sa cohorte de légendes, récits ou textes hagiographiques les plus significatifs. Ces facettes merveilleuses sont les profonds ancrages oubliés et obscurs des "origines" de Saint Sabin...
Nous avons rassemblé ici toutes les bribes de mémoires hagiographiques ou populaires disponibles il y a encore une vingtaine d’années. Il est bien évident, cependant, que cette compilation ne saurait avoir un caractère exhaustif.
Sur le propos de St Sabin, il est certain que nombre d'autres légendes restent encore vives dans la mémoire individuelle ou locale, ainsi que dans les traditions liées à cette région... et probablement en des contrées plus éloignées.
En ce qui concerne les récits oraux traditionnels liés à St Sabin, il est difficile, actuellement, de retrouver ceux et celles qui en sont encore détenteurs... La mémoire vive se raréfie de façon inexorable. Les anciens nous quittent sans, souvent, avoir l'opportunité de trouver une oreille attentive pour recueillir cet aspect "merveilleux" du passé émotionnel et sacré du Pays...
Les archives hagiographiques sont encore nombreuses, répertoriées, et faciles d'accès... Il n'y a, de ce côté, aucune difficulté à retrouver les "légendes saintes"... Il faut, cependant, admettre une certaine "rigidité" incontournable dans ce sens de recherche, qu'il ne faut, pourtant, surtout pas négliger...
SAINT SABIN DE SPOLETTE. (ITALIE)
Extrait de "La vie du Saint des Saints Notre Seigneur Jésus Christ"
NB : Nous entrons ‘… ?...’ en cours de texte aux endroits où le mot est illisible.
La vie de Saint Sabin et de ses compagnons martyrs.
"... Le Vénérable BEDE SURIUS et l'évêque … ?... ont recueilli la vie et le martyre de SAINT SABIN. Il était, nous disent-ils, Evêque de SPOLETTE en TOSCANE, très versé dans la connaissance des divines écritures et d'ailleurs fort éloquent. Il fut arrêté par ordre de Vénustien président de TOSCANE, avec ses deux diacres Exuperance, Marcel et plusieurs autres ecclésiastiques. Ce Vénustien avait dans son cabinet une idole de Jupiter fort bien travaillée, richement ornée, qu'il présenta à SAINT SABIN afin qu'il l'adorât. Le Saint Evêque la prit mais non pour l'adorer car après qu'il eut fait sa prière à DIEU il la jeta par terre et la mit en pièces. Vénustien qui en faisant grand cas entra dans une telle colère contre le SAINT et les diacres que, sans forme de procès, il lui fit couper les mains sur le champ. Pour ses deux diacres, il les fit mettre sur le chevalet en sa présence et frappa leur corps à grands coups de fouets et de bâtons. Ensuite il leur fit écorcher les côtes avec des ongles de fer. Enfin il fit allumer un grand feu pour les brûler et ces deux Saints diacres finirent leurs jours dans ce martyre. Leurs corps furent en un temps jetés dans une rivière mais un bon prêtre et quelques pêcheurs chrétiens en étant avertis les retirèrent et les enterrèrent auprès du chemin Cependant le Saint Evêque fut mis en prison. Il y avait une veuve chrétienne nommée Sérène qui avait un merveilleux … ?... de SAINT SABIN. Elle avait un neveu qui était aveugle.
Cette pieuse dame résolut de le mener avec elle en prison et de le présenter au Saint, elle le recommanda à ses prières. Alors le Saint Evêque étendant ses bras coupés à moitié sur les yeux de cet aveugle (il s'appelait Priscien) adressa sa prière à Dieu, qui, en sa faveur, lui rendit aussitôt la vue. Ce miracle s'opéra dans la prison en présence de onze païens qui se prosternèrent aussitôt aux pieds de SAINT SABIN confessant que le DIEU qu'il prêchait et adorait était le vrai, le seul DIEU; et ils furent tous baptisés par le Saint Evêque. Vénustien ne manqua pas d'être averti de tout ce qui s'était passé. Affligé lui-même d'un mal d'yeux, il envoya sa femme et ses deux fils à la prison pour lui amener SABIN au logis. Aussitôt qu'il fut arrivé, le Président qui l'avait auparavant si mal traité se jeta à ses pieds, baigné de larmes, avec sa femme et ses deux enfants et lui demandant pardon le supplia de le baptiser; ce qu'il fit après l'avoir introduit. Aussitôt que Vénustien eut reçu le baptême il reçut aussitôt la guérison de ses yeux. L'empereur MAXIMIEN ayant appris ses nouvelles condamna SAINT SABIN à la mort, et son Président VENUSTIEN à avoir la tête tranchée. Pour l'exécution de cette sentence, il envoya un tribun nommé IUCIUS qui, sans forme de procès, fit mourir Vénustien avec sa femme et ses deux enfants dans la ville d'Assise. Ensuite il emmena SAINT SABIN à SPOLETTE où il le fit maltraiter avec tant de cruauté qu'il en mourut le 17 décembre l'an de Notre Seigneur 301, son corps fut enseveli hors de cette ville, environ à une demie lieue de cette pieuse veuve Sérène dont nous avons déjà parlée. Elle avait aussi auparavant mis les deux mains de SAINT SABIN dans un vaisseau de verre, et les avait embaumées avec piété dans sa maison... "
SAINT SAVIN D'AMPHIPOLIS (ITALIE)
Légendaire de l'Abbaye de SAINT SAVIN.
Extrait du légendaire de SAINT CYPRIEN à POITIERS.
"... En l'an 458 de l'incarnation de N.S., Maxirnus et Ladicius étant consuls à AMPHIPOLIS, ville d'ITALIE, un redoublement de ferveur se manifesta parmi les gentils, par des sacrifices continuels à DIONYSIUS, leur principale idole. Il y avait alors à AMPHIPOLIS deux frères d'une naissance illustre, SAVIN et CYPRIEN, natifs de BRISIA (BRESCIA), ville voisine, célèbres l'un et l'autre par leur sagesse et leurs vertus. Ils voyaient avec horreur les grossières superstitions des Amphopolitains et les exhortaient à quitter leurs idoles de bois ou de métal, pour adorer le seul vrai DIEU.
Cinq mois après la fête de DIONYSIUS, que les gentils avaient célébrée par des danses et des orgies, LADICIUS vint à AMPHIPOLIS, et tout le peuple, animé contre les chrétiens, courut les dénoncer et demander leur mort au proconsul. Celui-ci fit aussitôt comparaître les deux frères devant son tribunal, et les interrogea d'abord avec douceur. SAVIN, comme l'aîné, parla le premier, et, plein d'une noble audace, confessa qu'il était chrétien. Il reprocha même à LADICIUS son aveuglement. Le magistrat, espérant que la jeunesse de CYPRIEN serait plus facile à séduire, tâcha d'obtenir de lui une rétractation. Prières, menaces furent inutiles; les tourments n'eurent pas plus d'effet. D'abord on les suspendit à un poteau, et on les déchira avec des ongles de fer. Les bourreaux se fatiguaient, lorsque LADICIUS voulut tenter encore une fois de séduire les deux chrétiens et d'obtenir d'eux qu'ils sacrifiassent aux idoles. Il s'aperçut alors que leur constance n'était pas ébranlée. SAVIN, s'approchant de l'idole de DIONYSIUS, fit le signe de la croix, et aussitôt l'idole, tombant de son piédestal, se rompit en morceau. Furieux à ce spectacle, LADICIUS fit jeter les deux soldats du Christ dans une fournaise ardente; mais le feu les respecta et n'endommagea pas même leurs vêtements. Sous cette voûte ardente, les deux jeunes martyrs louaient le seigneur, lorsque tout à coup les flammes, sortant avec impétuosité de la fournaise, consumèrent LADICIUS et cent soixante des gentils qui assistaient au supplice. On ne put retrouver le moindre débris de leurs cadavres. Un des principaux de la ville, nommé GELASIUS, peu touché de ce miracle, fit conduire les Saints dans la prison.
Quelques jours après arriva MAXIMUS, collègue et parent de LADICIUS, attiré à AMPHIPOLIS par la nouvelle de la mort de ce dernier. On lui amena les deux Saints. "Parle, dit-il à SAVIN, toi qui es supérieur de taille et d'années; comment te nommes-tu?" Or SAVIN était d'une haute stature, terrible à voir, le visage gracieux et rondelet bien proportionné de tous ses membres, et, quant à l'esprit, le plus doux et le plus aimable des hommes. "Mon père, répondit SAVIN, se nommait MAGNUS, ma mère TATIA. Je m'appelle SAVIN. Elevé par eux dans l'étude des bonnes lettres, je suis humble clerc. Et toi, quel est ton nom? demanda le proconsul à CYPRIEN. - Moi, je suis CYPRIEN. Nous sommes frères de père et de mère, fils de MAGNUS BRESCIA, trois fois consul, et revêtu de la dignité préfectorale. Notre mère est également de famille consulaire étant fille de CAMPADIA. - Eh bien, dit MAXIMUS, en dépit de votre illustre naissance, sachez que, si vous n'adorez pas sur l'heure le dieu APOLLON, vous serez mis à la gêne, puis livrés aux bêtes de l'amphithéâtre. On devine la réponse des deux héros chrétiens. Trois jours leur supplice fut différé, non point par commisération; mais on voulait faire jeûner une lionne et deux lions terribles, afin de rendre inévitable la mort des martyrs. Le jour venu, MAXIMUS assis sur son tribunal, tout le peuple se pressant dans l'amphithéâtre, on lâcha d'abord la lionne, qui, d'un bond, s'élança au milieu de l'arène en poussant un rugissement effroyable. Mais, ô surprise! à la vue des deux frères sa fureur disparaît; elle remue la queue comme un chien, et leur lèche les pieds. Les deux lions qu'on lâche ensuite montrent la même douceur, et caressent humblement les victimes offertes à leurs dents homicides. Mais tout le peuple s'écria: " ils charment les lions par art magique! qu'on leur donne la mort!" le proconsul les fit ramener en prison, pour méditer quelque genre de supplice aussi nouveau qu'épouvantable. Trois jours les deux frères demeurèrent en prison, restaurés par la nourriture du jeûne. Au bout de ce temps, un ange leur apparut: " Sortez, leur dit-il, prenez le chemin des Gaules; là, vous trouverez la récompense que le seigneur vous destine." Aussitôt les murailles de la prison s'écartèrent à droite et à gauche, et les chrétiens se virent libres. Les Saints sortirent de la prison vers les calendes de mai. Ils se rendirent d'abord chez deux prêtres chrétiens. ASCLEPIUS et VALERE, qui jusqu'alors avaient échappé à la persécution en déguisant leur croyance. Animés par la fermeté de SAVIN et de CYPRIEN, ils trouvèrent assez d'audace non seulement pour les accompagner dans leur long voyage, mais même pour les suivre jusqu'à leur martyre. Tous ensemble ils traversèrent les Alpes pennines, et parvinrent au bord du RHONE; leur renommée les précédait et partout ils étaient entourés d'un grand concours de peuple avide de les voir et d'entendre leurs touchantes exhortations. Une femme païenne, nommée EMMENIA, vint déposer à leurs pieds son enfant mort. "Si vous êtes, leur dit-elle, comme on le prétend, les amis du grand DIEU, faites, par vos prières, qu'il me rende ma seule espérance, mon fils unique. Je suis chrétienne si vous me le rendez" SAINT SAVIN fit une courte oraison; puis, prenant la main de l'enfant, il le releva plein de vie. Avertis par un ange, les Saints et leurs compagnons poursuivirent leur voyage. A LYON, ils passèrent la SAONE à la nage, et, cheminant par la haute BOURGOGNE, ils parvinrent jusqu'à AUXERRE. Là, ils trouvèrent le très glorieux GERMAIN, et LOUP, évêque de TROYES, l'un et l'autre revenant d'un voyage en IRLANDE, île habitée par les SCOTS et les BRETONS, vers lesquels le souverain pontife les avait dépêchés pour extirper l'hérésie des PELAGIENS. D'abord, GERMAIN voulut le retenir; mais, éclairé par une révélation divine, il les bénit et les accompagna jusqu'à trois milles d’ AUXERRE. Après avoir passé la LOIRE et traversé le pays de TOURS, SAINT SAVIN et ses compagnons se trouvèrent sur le territoire des Poitevins, au confluent de la GARTEMPE et de la CREUSE: là, comme ils prenaient quelque repos, ils aperçurent le proconsul qui les poursuivait.
MAXIMUS avait juré de ne revoir l'Ausonie que lorsqu'il aurait vengé la mort de son parent LADICIUS; il s'était mis en route avec deux cents satellites italiens, et, suivant partout les Saints à la piste, il venait enfin de les découvrir. Déjà les chrétiens se croyaient parvenus au terme fatal de leur voyage, quand tout à coup une barque parut au bord de l'eau. Ils y entrèrent, et la barque, sans voiles, sans rames, les porta en un instant à l'autre rive. Aveuglé par la fureur, MAXIMUS se jeta sans balancer dans la rivière pour les atteindre, il y perdit la moitié de son monde, qui se noya dans les flots. Sans se décourager, il recommença sa poursuite, et atteignit enfin les illustres fugitifs sur le bord de la Gartempe, à un mille environ d'ANTIGNY, dans un lieu nommé CERISIER (CERASUS). Aussitôt, il les fit garroter, et les conduisit dans une île de la Gartempe, en face d'un champ appelé Sceaux (Sellis ou Psellis). Là, il leur fit souffrir tous les supplices que sa rage sut imaginer. Un malheureux tourmenté par un esprit de ténèbres, assistait à ce triste spectacle. "Tu vois ce fou, dit MAXIMUS à SAVIN; ne saurais-tu faire sur ce misérable quelqu'un de ces miracles que tu faisais en Ausonie, par la vertu de ton Christ crucifié?" SAVIN levant les yeux et les mains au ciel, supplia le Seigneur de délivrer le possédé : incontinent l'esprit immonde sortit du corps de ce malheureux avec une horrible puanteur. Le possédé demanda le baptême, et avec lui dix des satellites de MAXIMUS. Nul miracle ne pouvant toucher ce maudit, il fit trancher la tête à SAVIN et à ses dix soldats; quant à CYPRIEN et à ses deux compagnons, ASCLEPIUS et VALERE, il les emmena avec lui à ANTIGNY. La nuit même, les deux prêtres ASCLEPIUS et VALERE, miraculeusement délivrés de leurs fers, se rendirent dans l'île où gisait abandonné le cadavre du martyr; ils le portèrent de l'autre côté de la rivière, sur une hauteur que l'on nommait alors le Mont des TROIS-CYPRES (ad Tres-Cupressos). Il y avait une chapelle ruinée par les vandales, consacrée jadis au bienheureux SAINT VINCENT. Ce fut ce Saint lieu que les deux prêtres choisirent pour la sépulture de SAVIN. Ils l'y déposèrent le 9 des ides de juillet. CYPRIEN trouva le martyre à ANTIGNY et fut enterré à côté de son frère. Pour MAXIMUS et ses soldats, livrés au démon et agités d'une fureur divine, ils périrent tous misérablement bientôt après. Ainsi finit la légende... "
LE SAUT DE LORETTE.
Légende Populaire du Pilat. Texte recueilli en 1984 auprès d'un habitant de Véranne.
"...Un Saint du nom de SABIN s'était retiré dans le désert sur le Pilat. Après il sera martyrisé en Auvergne avec St Donat et Ste Agathe...
Il avait deux boeufs un noir et un blanc. Il les nourrissait avec l'herbe d'argent. Avec les boeufs il charriait les tas de rochers le long de son désert... on voit toujours les pieds des animaux sur un rocher là-haut avec la marque de l'aiguillon.
Je sais que sur son ermitage on a construit la chapelle du pèlerinage... Avec un tableau et une statue chargée d'ex-voto.
Le jour du reméage on vient de loin... très loin. Chacun ramasse "lachimie", après la messe il y a bénédiction des bouquets par le curé... alors on retourne après frotter avec l'herbe la statue dans la chapelle et on la trempe à la fin dans le bénitier à l'entrée de la chapelle... Je les ai vus et j'ai fait comme les autres... Après on accroche le bouquet dans la maison ou dans l'écurie. Aussi on la donne aux bêtes et autrefois on la faisait manger aux vers à soie... je crois...
Au temps de St Sabin tous les gens vivaient dans la barbarie... il n'y avait pas le curé... Ils adoraient le soleil ou les rochers!
Je sais que dans une cabane il y avait un vieux, il s'appelait "Botte" et sa fille était très belle et elle s'appelait "Lorette". Alors le seigneur de Virieu la demandait en mariage... Il était vieux et très dur. Lorette était très douce. Elle chantait avec les oiseaux du ciel... Ils l’écoutaient.
Un jour le vieux Botte s'est perdu dans les bois du désert, là-haut... Il était surpris de voir le Saint mener ses deux boeufs. Ils parlèrent longtemps et le Saint lui raconta sa religion. Botte promit de remonter... Il faisait nuit, il fallait descendre du désert.
Lorette attendait son père... Il lui expliqua son histoire.
Alors le matin elle est montée voir l'ermite là-haut.
En arrivant elle lui a dit que dans la nuit une voix lui disait: "va vers Saint Sabin!" alors Saint Sabin la bénit et remercia Dieu. Il raconta l'histoire de la naissance de Dieu dans une grotte. L'enfant Dieu qui modelait des oiseaux en argile et leur donnait la vie en soufflant dessus... Il guérissait aussi les malades et faisait revenir les morts... et puis sa mort sur la croix d'olivier... et puis l'hirondelle noire qui porte bonheur parce qu'elle a arraché une épine sanglante du front du Jésus qui mourait...
Alors Lorette pleurait... Elle reçut le baptême et tous les matins elle montait des fleurs pour la messe du curé de St Sabin... Après le vieux Botte était mort, et Lorette est seule. Elle essayait de faire convertir le Seigneur Virieu. Il ne voulait pas... et elle ne voulait pas le vieux seigneur Virieu comme un payen. Le Seigneur voulait se marier avec elle avant de partir chasser les arabes du Pilat. "Je te donnerai mon château et mes jardins... "
"J'ai ma cabane et la forêt du désert"
"Tu seras la reine, riche et tu auras mon épée"
"Fais-toi chrétien, je le serai plus encore"
Et un jour elle dut fuir le seigneur devant toutes ses avances...elle courut longtemps des heures sans s'arrêter dans les buissons sur les cailloux. Elle est arrivée dans un vallon très étroit entre des collines avec des vieux chênes. Au fond il y avait une cascade, l'eau disparaissait dans un gouffre. Elle entendit le romain arriver sur son cheval noir. Elle essayait de parler doucement, puis de le menacer de l'enfer. Rien n'y faisait, le seigneur avançait toujours vers elle...
"Si vous avancez encore je me jette dans le gouffre"
"Je t'y suivrais bien"
Lorette pria et elle s'est jetée dans le gouffre.
"Mal va!" cria le seigneur... il a essayé de retenir Lorette son cheval a glissé sur le bord du rocher... et ils sont tombés tous les trois dans l'eau du gouffre. Sur l'eau seul est remonté le corps de Lorette dans sa robe blanche. Le romain et son cheval ont été emportés dans le gouffre.
Le soir Saint Sabin inquiet de ne pas avoir vu Lorette, vient dans le vallon abandonné... Il a repêché le corps de Lorette, il a pleuré, il l'a enseveli au pied d'un vieux chêne... et il est remonté pour toujours sur le désert du Pilat dans sa chapelle avec ses boeufs...
Les anciens ont appelé la cascade "Saut de Lorette" en mémoire de la martyre et le vallon est appelé Malleval en souvenir du cri lancé par le seigneur... "
Une variante dans la version
Une autre version de cette "histoire populaire" rapporte par contre que St Sabin a enterré le corps de Lorette vers le crêt de Botte. On voit, certaines années, disent les anciens, apparaître dans les fourrés une touffe de genêts blancs, sur un ovale de trois mètres de long parmi les autres d'un jaune d'or... Ce serait le lieu où St Sabin aurait creusé la tombe de Lorette... Les anciens ajoutaient que lorsque les genêts fleurissaient "blancs", l'année serait très sèche... Il fallait alors monter solliciter le Saint pour le rituel de l'eau...
Légendes de l'installation de St Sabin dans le Pilat.
Récits recueillis par J. NARDONE
"... une autre bribe dit que: il a commencé à s'établir dans une grotte entre THELIS LA COMBE et la VERSANNE sur le Crêt de l'ESTIVAL, il y a là une grotte dans le granit qui fait une dizaine de mètres de profondeur et trois mètres de haut et qu'on appelle la grotte des Sarazins. Et St Sabin a commencé à vouloir s'établir là au début. Mais il y avait tellement de crottes de chèvres et ça sentait tellement le bouc qu'il s'est mis en colère... il a jeté le marteau de maçon avec lequel il devait construire sa chapelle et à l'endroit où le marteau est tombé il est allé construire sa chapelle... et c'est l'endroit de la montagne actuelle... ça fait quand même pas mal de kilomètres entre les deux montagnes mais il y a probablement un lien à l'origine entre cette grotte et la montagne de Saint Sabin parce que les légendes de Saint Sabin sont extrêmement vivaces à THELIS LA COMBE et la VERSANNE encore aujourd'hui..."
"... Ben y'avait Saint SABIN, Saint CLAUDE et Saint MAURICE là bas qui étaient tous trois sur leur montagne, alors pour s'amuser ils jouaient au "paret" avec des meules de moulins.... du crêt d'un Saint à l'autre...ils se les passaient les "parets"... ça c'est un vieux de COLOMBIER qui me l'a raconté, mais c'était pendant la guerre de 14, moi j'avais 7 à 8 ans, alors il me racontait... puis il disait que c'était vrai..."
"... une légende qui se raconte au sujet de Saint Sabin avec un moine qui était à la chapelle St Claude au dessus de MALLEVAL. De sa chapelle St Sabin disait au moine de St Claude: "tzesse bien ma là vais!.. " Et celui de St Claude répondait: " tzesse bion pis là mon!..".
Ce qui veut dire en français, de la part de St Sabin: "tu es bien mal là bas !... Et de la part du moine de Saint Claude: "tu es bien pire là haut!... "
En réalité c'est un jeu de mots qui veut dire... en patois "MALAVAIS" c'est MALLEVAL, et "PILA" c'est PILAT!...
"Historique de la chapelle dédiée à Saint SABIN"
Abbé SOUCHON de la commune de GRAIX.
"...La tradition assigne à une époque très reculée à l'existence d'un Saint montagnard nommé SABIN. Elle ajoute que c'était un vertueux habitant de la campagne, simple laboureur, d'une haute intelligence et d'une grande piété. Le ciel bénit ses travaux en lui donnant les plus grands troupeaux et les champs les plus fertiles. Il devint par ses bienfaits la providence du pays comme il en était l'oracle par ses conseils. D'après la légende, SAINT SABIN aurait charrié avec ses boeufs, l'énorme éboulis de pierres appelé chirat qui se voit sur le versant Est de la montagne..."
Notons que les récits légendaires s'étagent sur trois genres dissociables: légendaire populaire de transmission orale, légendaire populaire transcrit, et enfin légendaire hagiographique.
COMPARAISONS DES RECITS LEGENDAIRES LIES A SAINT-SABIN DE LA REGION DU PILAT
LIEU DU MARTYRE:
-St Sabin Pilat: AUVERGNE et PILAT.
-St Sabin Spolette: SPOLETTE.
-St Sabin Amphipolis: Ile de la GARTEMPE.
PERSONNALITE:
-St Sabin Pilat: Fervent montagnard chrétien. Muni de deux boeufs nourris d'alchemille.
-St Sabin Spolette: Instruit dans la science des lettres.
-St Sabin Amphipolis: Esprit et visage doux, aimable.
LIEU D'ORIGINE:
-St Sabin Pilat: Lyon, un des premiers chrétiens. Région du Pilat.
-St Sabin Spolette: SPOLETTE (ITALIE)
-St Sabin Amphipolis: BRESCIA (ITALIE)
THEME DU MARTYRE:
-St Sabin Pilat : Mains et tête tranchées.
-St Sabin Spolette: Mains coupées.
-St Sabin Amphipolis: Tête tranchée.
ORIGINE FAMILIALE:
-St Sabin Pilat: Deux "frères", Claude et Maurice.
-St Sabin Spolette: néant.
-St Sabin Amphipolis: Un frère, Cyprien.
Père, Magnus, consul. Mère,Tatia. Famille consulaire et aisée.
LIEU CONSACRE:
-St Sabin Pilat: Véranne, oratoire, chapelle, grotte, mont.
-St Sabin Spolette: néant.
-St Sabin Amphipolis: St Savin sur Gartempe.
BREVE ANALYSE DES LEGENDES DE SAINT-SABIN
Première remarque: Le saint et son environnement sont cernés, sur cette région, et remarqués par leur empreinte et emprise sur la tradition, même historique, locale. Sous tous ses aspects, on distingue l'implantation du christianisme sur ce secteur géographique: martyrs de la région lyonnaise, de l'Auvergne, origine du nom de Pilat (Pilate) et du sommet de la montagne St Sabin... Nous pouvons probablement envisager une réactualisation et une récupération efficace de restes d'anciennes traditions, religions ou mythes locaux... inconsciemment présents dans les récits, hésitants, mémorisés par les anciens de la région.
Les légendes occupent globalement et fermement l'espace géographique local. Les Saints, peu importe leur nom et leur fonction, sont implantés sur les sommets. Par cette présence, ils maintiennent un sens de non isolement, de puissance de contrôle, de liaison permanente... de la région. Jocelyne Nardone résume admirablement la situation légendaire "... Si les légendes popularisées reprennent vraisemblablement de nombreux éléments hagiographiques, elles ne sont pas seulement constituées par ces emprunts, mais rappellent constamment leur fondement plus ancien en regard de l'enracinement régional. Elles subissent donc par et dans l'oralité un réel processus de socialisation dynamique par opposition aux légendes hagiographiques plus généralement partagées et anonymes. Ainsi elles se veulent par exemple à la fois témoins des débuts du christianisme et de l'implantation d'une vierge noire comme pour mieux témoigner de l'impact des rires ancestraux sous le vernis chrétien. Il y a donc utilisation et réinterprétation des matériaux fournis avec l'histoire. Il y a singularisation sociale ou socialisation singulière qui dynamise à l'aide des modèles véhiculés le désir chrétien d'imitation, de surpassement par véritable injonction idéaliste et moraliste. L'implication historique s'affirme avec les druides, les romains, les sarrasins et la révolution, c'est à dire avec une histoire opposante au christianisme. En fait tout se passe comme si au niveau des légendes le discours populaire privilégiait la mise en péril comme pour faire "perdurer" la canalisation de la violence ainsi neutralisée par une constante réinterprétation à travers le dynamisme du récit et l'homogénéité du rituel..."
ELEMENTS ETYMOLOGIQUES
Dictionnaire des Noms de familles. (Larousse)
- SABIN, forme populaire SAVIN. Nom de deux saints (Poitevin et Bigordan): SABINUS, ancien nom latin, "originaire de la Sabine".
La forme languedocienne et gasconne Sabi, variante Saby, s'est confondue tardivement avec la forme régionale de Savi, Sage.
- SAVINIEN, de Saint Sabinianus (dérivé de Sabinus), premier évêque de Sens et Martyr (Ille S.)

Dictionnaire Etymologique des Noms de lieux. (Guénégaud)
- Saint-Savin, Gironde, Isère, Htes Pyrénées, Vienne: latin Sabinus, nom de plusieurs saints du Poitou (Ve S.) et de Bigorre.
Dictionnaire Etymologique des Noms de rivières et de Montagnes (Klinksieck)
-Sab / Sav: racine prélatine à valeur hydronomique et oronomique.
Dans les langues prélatines ou celtiques, le V et le B ont la même valeur (en espagnol V se prononce B).
Encyclopédie Quillet (Pot.-Sel)
"-Sabinus (Julius) né à Langres, chef Gaulois du pays de Langres, mari d'Eponine; mort en 78. Il se révolta contre Vespasien et chercha, avec Civilis, à affranchir la Gaule de la domination romaine. Battu, il fut livré à Vespasien, malgré le dévouement de sa femme qui, pour le sauver, le cacha dans un souterrain pendant neuf ans. Ensemble ils furent mis à mort."

André Douzet

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