dimanche 28 août 2011

Hommage à Raymond Graü


Hasard des prénoms… il se trouve que la dynastie des seigneurs de Périllos a choisi celui de Ramon pour perdurer son patronyme. L’importance qu’eut cette famille depuis ses plus lointaines origines peut laisser supposer que ce prénom avait pour eux une grande valeur et représentait autre chose qu’un signe distinctif ou le hasard des prénoms. Il est difficile de supposer que celui-ci n’ait eu des raisonnances plus profondes que la seule raison d’une marraine ou d’un parrain… 
Ce prénom par ailleurs se trouve souvent dans les grandes dynasties languedociennes ou catalanes, à tel point qu’on trouve également celle des ramondins…
Est-ce la providence si Saint Raymond s’appelait de Penafort, du nom de la cité de Catalogne où il avait vu le jour en 1175. Il est d’abord juriste, et vers sa cinquantaine il entre dans l’ordre des Dominicains et se voue à l’étude des cas de conscience. Il devient, à Rome, le confesseur du pape Grégoire IX puis établit le célèbre recueil des ‘Décrétales’ ou sont enregistrés tous les décrets émis par les conciles et le pape. En 1238 il est élu supérieur de son ordre, mais démissionne vers 1240 afin de s’attacher à la conversion des Maures… Il fonde avec saint Pierre Nolasque l’Ordre de Notre-Dame de la Merci appelé aussi N.D. des Mercédaires dont le but est le rachat des prisonniers capturés par les Maures. Il s’éteint en odeur de sainteté en 1275.

Un prénom
L’origine du prénom Raymond provient du groupe germanique ragin et mund (Raimund) : qui ont pour racine ragin et mind qui signifient conseil et protection. Rien d’étonnant si alors ces nobles catalans sont devenus conseillers et protecteurs de nombreux rois. Dans ce registre nous retiendrons évidemment Ramon de Périlloss conseil du roi Juan 1er d’Aragon mort dans des conditions telles que Ramon s’en est allé quérir les garanties de la protection de l’âme de son roi au Puits St Partick en Irlande… 
Y aurait-il aussi des connotations plus subtiles encore avec d’abord la syllabe Ray, pouvant prendre la forme Rey, Ré et Ra (qui en anglais signifie ‘rayon’) et la seconde syllabe qui dérive de Mon à Mond et mont. On peut se demander si à l’origine il pouvait y avoir une connotation de ce prénom RAY-MOND avec la dérive Rayon sur le monde ou rayon du monde ?..
Saint Raymond est fêté le 7 janvier selon l’abbé Louis de la Bouillerie (le livre des Saints et des Prénoms ou le 23 janvier pour d’autres comme Gilbert Créola… Raymond Nonnat, patron des sages-femmes, est célébré le 31 août.
Très curieusement, le très sérieux « Vies des Saints pour tous les jours de l’année » aux éditions J.B. PELAGAUD tout de même Imprimeur-Libraire de N.S.P. Le Pape à Lyon Grande rue Mercière (1861)… ne fait mention d’aucun Raymond… le 7 janvier y est réservé à S. Lucien et le 23 du même mois est consacré à S. Jean l’Aumonier.

Un autre Raymond : Raymond Graü
Il se trouve que si Ramon illustre à merveille les seigneurs de Périllos , le prénom Raymond évoque, pour moi, un autre personnage lui aussi d’origine catalane, bien que ripagérien de naissance. Il s’agit de Raymond Graü. Ce dernier est notre contemporain et n’est ni saint ni seigneur du Roussillon… encore que pour certains il porterait le patronyme envié des de Bourbouillon. Il est pratiquement inconnu sauf d’une poignée de personnes ayant eu la bonne providence de le connaître.
Il n’a jamais écrit d’ouvrages… et pourtant il est à l’origine de tant d’écrits qui jamais ne lui rendent l’hommage légitime du fait d’exister souvent par ses travaux !
Il n’est pas connu… et pourtant à l’origine de plusieurs découvertes de sites archéologiques et historiques qui seraient restés dans l’oubli sans ses travaux !
Il n’est pas reconnu… et pourtant à l’origine de vocations qui n’auraient jamais vu le jour sans ses travaux !
En échange il est souvent méprisé, facilement oublié, voir moqué par ceux maintenant connus pour avoir utilisé à leur seul avantage ses travaux !
On ne le nomme jamais ou alors à voix basse… bien que sans vergogne on s’accapare ses travaux en se gaussant du privilège de la découverte et ‘oubliant’ qu’elle est depuis longtemps celle de Raymond Graü !

Sainte Croix-en-Jarez
Carte postale de Sainte Croix en 1907
Nous connaissons, sur ce site, l’ancienne chartreuse de Ste Croix-en-Jarez… sans doute le plus beau fleuron des villages médiévaux du massif du Pilat. Aujourd’hui cet ensemble de bâtiments resté quasiment intact dans son enceinte cartusienne d’origine, est accaparé par une foule de touristes, curieux, fouineurs, chercheurs, scientifiques, historiens, archéologues, écrivains, architectes, sociétés de cultures de choux gras, nouveaux faux découvreurs de ‘vrais’ vieux secrets, anciens vrais inventeurs de vérités déjà découvertes, conteurs en manque d’imaginaire, administrations et divers services de monuments plus ou moins historiques, gourous, initiés, visionnaires, devins et furieux … nous en passons et des meilleures ! 
Qui, dans cette horde, rend hommage, même du bout de la plume, à celui sans qui la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez ne serait que peu de choses en comparaison de ce qu’elle est maintenant ? A celui qui fut le premier découvreur de ce trésor de notre patrimoine… A celui qui lui redonna sa dignité, sa valeur, son passé, ses lumières et ses ombres… A celui qui le premier tenta de la sortir de sa gangue de fumier, détritus et plâtras discordants… A celui qui le premier lui donna le nom de joyau… A celui qui le premier vint donner sa vie, sa réputation, ses forces, ses moyens, ses finances et ses espoirs, sans compter, pour sauvegarder la vieille chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez…

Qui rend hommage une seule fois à Raymond Graü, premier pionner à sortir de l’oubli et la saleté cette chartreuse oubliée et méprisée en son temps ? Qui ? Personne ou si peu…
J’ai souvenir des travaux de Raymond à remettre en état la cuisine des Pères chartreux qui à l’époque était un clapier, une ruine au-dessus d’un cloaque… J’ai souvenir de ses travaux de chaque jour… J’ai souvenir de ses efforts avec une poignée de volontaires oubliés et dont personne ne retient ni n’honore plus la mémoire… J’ai souvenir de ses travaux, de ses efforts, parfois incroyables pour aller chercher à des dizaines de kilomètres des dalles de pierres, ayant été emportées de ces lieux lors des pillages révolutionnaires et autres… pour les remettre là où elles étaient primitivement. J’ai souvenir de Raymond finançant souvent, très souvent et trop souvent de ses deniers certains travaux et achats pour redonner à ce local de la cuisine des pères une dignité oubliée…
J’ai souvenir de découvertes sous les gravats, les décombres… ces découvertes aujourd’hui offertes au tourisme sans qu’une fois soit insinué le nom de ce pionnier de l’impossible ! J’ai souvenir d’avoir eu le privilège d’assister à des moments intenses de remises à jour d’éléments, parfois pièce unique pour certains spécialistes.

Que faisiez vous en 1968 - Raymond Graü à Ste Croix en Jarez
‘On’ a accordé à Raymond seulement des critiques acides, méprisantes, peu courtoises voire désobligeantes… Il est vrai que Raymond n’était pas bardé de diplômes rutilants ou de titres ronflants! Il est vrai qu’il avait surtout la foi et une volonté non ‘DPLG’…Il est vrai qu’il commit quelques erreurs historiques ou d’applications. Mais il est vrai qu’à ce moment tous le moquaient ou… attendaient qu’il ait fini les gros travaux épuisants pour s’accaparer de ces éléments aujourd’hui devenus une fierté touristique méritée. Et puis qui peut se targuer de ne jamais avoir fait la moindre erreur ? Qui ? Je n’ai jamais vu ces messieurs et dames au grand savoir, venir des jours et des jours travailler avec Raymond dans la poussière, les gravats et les reconstructions épuisantes … mais je les ai vus peu à peu venir rôder autour de lui pour récupérer son travail et ses efforts incroyables.
Je me souviens de Raymond me racontant cette chartreuse comme personne ne sait plus le faire aujourd’hui. Sous ses mots passaient, dans le galop de leurs chevaux, quelques fiers templiers venus acheter le fer des mines cartusiennes. Au fil de ses récits c’était Polycarpe de la Rivière qui découvrait une crypte et un secret fabuleux. Puis il relatait ces ‘bonshommes albigeois’ terrés parfois autour du monastère… Il savait nous montrer Guillaume de Roussillon s’en aller vers son destin et trouver une mort héroïque près de Guillaume de Beaujeu en défendant les murs de St jean d’Acre. Avec lui nous voyions Béatrix de Roussillon arriver, miraculeusement précédée d’étoiles, pour financer la construction de la fière chartreuse. C’est en sa compagnie que nous avons appris les souterrains, niés à présent, et les secrets des pères chartreux. Combien de soirs nous avons cru voir et entendre les moines s’en allant à la chapelle du grand cloître ou enterrer un des leurs avec la ‘planche à cul’…

Dans le Pilat
Mais Raymond Graü n’est pas seulement le découvreur de Sainte Croix… Il sait les mégalithes du massif du Pilat, ses moindres calvaires, ses grottes, ses chapelles, ses gravures, ses sources sacrées et ses enceintes mystérieuses qui sont autant de fenêtres ouvrant sur des dimensions inconnues. Sa connaissance va de Givors à St Etienne et même au-delà… et date de bien avant ceux qui maintenant réclament la primeur de leurs présentations.
Raymond sait des mégalithes, des sites entiers pendant que certains chercheurs peinaient encore sur les bancs de l’école primaire et se réclament à présent pratiquement inventeurs de ces lieux… Raymond sait aussi surtout les humains, leurs rares forces et leurs innombrables faiblesses… S’il est fier il n’en est pas pour autant méprisant ni moqueur, et n’hésite pas à reconnaître celui ou celle qui peut lui enseigner encore plus de savoir. Il est généreux et fidèle en tout.

Vue de Sainte Croix en Jarez arrière de l'église des chartreux
L’obscur et le maudit du Pilat n’ont plus de secret pour lui, et il fait ressurgir, pour l’imaginaire émerveillé, quelques instants, le rebouteux, le sorcier, le maudit, le malin, autant que le saint et l’innocente précipitée du haut des gorges de Malleval…
Raymond était considéré à égalité par les savants messieurs de la Diana (société savante du Forez), des historiens de haut rang, religieux élevés, écrivains notoires et chercheurs chevronnés qui n’hésitaient pas à venir visiter ses travaux et découvertes… à lui faire partager quelques chantiers avec eux, et le féliciter de ses efforts, connaissances et abnégations.
Raymond, natif de Rive-de-Gier comme moi, m’a quasiment tout appris sur ces contrées… je lui suis redevable entièrement de ce cheminement qu’il me permit en sa compagnie, semblant si facile auprès de lui. Il a toujours été d’une fidèle amitié que tous n’ont pas su toujours lui rendre. Raymond est celui qui le premier m’incita à la recherche et constituer un groupe de travail commun. Je lui dois ‘Vaisseau de Sable’ et sans doute aussi nos découvertes en Roussillon, donc la Société Périllos. 
Maintenant Raymond est fatigué de ces pierres à remonter, ces ‘chirats’ à déplacer, ces broussailles à franchir. Ces efforts à donner sans compter ont considérablement affaibli ses bras. Mais sans doute est-il plus fatigué encore de l’ingratitude des hommes !
C’est pourquoi il semble de bon ton maintenant de lui rendre un hommage mérité. Nous ouvrons une rubrique Pilat dans laquelle nous présenterons des éléments pour le moins étranges, souvent inédits ou galvaudés que nous avons connus il y a plus de trente ans en compagnie de Raymond Graü. Nous aborderons les sites sacrés et magiques du Pilat ainsi que ces personnages brumeux qui l’émaillèrent curieusement. Nous reprendrons des faits insolites tout autant que de stricts événements historiques… Nous irons, avec lui, de mégalithes en chapelles, de vestiges en châteaux… de trésors en secrets, de découvertes en énigmes.
Et ces parcours peu connus, nous les dédierons à Raymond Graü, sans qui nous ne serions pas en mesure de les présenter.

André Douzet

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